Décidément, le biopic est un genre à la mode. Après « Neruda », « Jackie » et « Emily Dickinson », et avant « Churchill » et « Lou Andréas-Salomé », voici Rodin. Il faut dire qu'en ce centenaire de sa mort, il était difficile d'y échapper. Je me demande, à cette occasion, pourquoi les biopics sucitent autant d'engouement, tant ce genre me semble semé d'embûches. Pour l'instant, seul le film consacré à la poétesse Emily Dickinson m'a paru satisfaisant, et je remarque que, de toutes les personnalités que j'ai citées, elle est sans doute la moins connue.
Mais venons-en à Rodin. A priori, sachant que la réalisation du film était confiée à Jacques Doillon, il y avait de quoi être confiant (même si le dernier film de ce cinéaste, « Mes Séances de Lutte », m'avait extrêmement déçu). On pouvait, en tout cas, être à peu près certain que le réalisateur de films aussi superbes que « La Drôlesse » (1979) ou « Ponette » (1996) saurait éviter les multiples pièges inhérents à un film qui a pour ambition de commémorer une des grandes personnalités du monde artistique. De fait, si l'on est en droit d'être moyennement mécontent du film, on ne peut certes pas lui reprocher ses excès de classicisme.
Jacques Doillon a réalisé un film qui n'a rien d'académique donc, mais qui n'en est pas moins assez médiocre. Sa grande qualité, car il en a quand même au moins une, il la doit à l'acteur qui incarne le rôle-titre, Vincent Lindon. On sent, tout au long du film, que ce dernier est vraiment possédé par son illustre personnage. Il lui donne un corps et il lui donne une âme. Les scènes les plus belles et les plus fascinantes du film sont celles où on le voit à l'oeuvre, travaillant à « La Porte de l'Enfer » ou à sa statue controversée, incomprise, et néanmoins géniale de Balzac, ou bien encore cherchant son inspiration auprès des arbres dont il caresse amoureusement les troncs.
Quand Jacques Doillon se concentre sur ce travail de création, son film est passionnant. Mais, malheureusement, beaucoup d'autres scènes viennent gâcher le plaisir du spectateur. Le film s'englue dans des bavardages ou dans des commentaires, assez souvent consternants de banalité, sur les œuvres réalisées soit par Rodin soit par son élève, égérie et amante Camille Claudel. De plus, l'actrice qui joue le rôle de cette dernière (Izia Higelin) ne m'a pas du tout paru convaincante. Ses démêlés avec Rodin et ses disputes avec Rose, la femme légitime de celui-ci, n'apportent rien d'intéressant au film et sont platement joués.
Quitte à le faire beaucoup plus court, si le film s'était focalisé sur le travail de création du célèbre sculpteur, il mériterait sans doute bien des éloges. Mais tel qu'il est, bavard, remplis de scènes insignifiantes, on risque de se lasser bien avant qu'il soit fini. 5/10