Encore aujourd'hui en République Tchèque, l'histoire de Olga Hepnarová touche de nombreuses personnes. Il faut dire qu'elle a fait couler beaucoup d'encre et de sang : en 1973, Olga, homosexuelle solitaire âgée de 22 ans, dirige son camion sur un groupe de piétons, blessant mortellement huit d'entre eux. A son procès, elle n'exprimera aucun regret et réclamera la peine de mort pour finir pendue, faisant d'elle la dernière personne de son pays à avoir été exécutée ainsi. Pour mieux cerner cette femme solitaire et rejetée par la société qui déclara ''avoir choisi de se venger de ses ennemis car cela est trop facile de quitter ce monde comme une suicidée anonyme'', les réalisateurs Tomás Weinreb et Petr Kazda n'ont pas choisi la facilité et ont décidé de ne pas le juger. Il en résulte un film profondément austère que Robert Bresson n'aurait certainement pas renié. "Moi, Olga" enchaîne les scènes de manière abrupte, sans prendre la peine de prendre le spectateur par la main. Passé un début déroutant, le film trouve sa vitesse de croisière et installe une atmosphère pesante : noir et blanc, plans fixes à la composition extrêmement travaillée, jeu d'acteur minimaliste... Les réalisateurs enferment peu à peu Olga dans une société oppressante à travers la mise en scène et son rapport aux autres. C'est une femme qui cherche volontiers la solitude, qui ne cesse de rejeter les autres (en particulier sa famille) mais qui se fait alors rejeter par les autres qu'elle cherche pourtant à communiquer avec les femmes qui lui plaisent. Homosexuelle assumant pleinement sa sexualité quand il le faut, Olga n'en est pas moins timide et maladroite. Prenant le parti de ne pas juger ce personnage infiniment complexe dont on ne parviendra jamais à saisir toutes les nuances, les réalisateurs mettent de côté l'empathie au profit d'un souci de réalisme psychologique sans pour autant oublier de styliser leur mise en scène (les scènes de sexe ou la scène de meurtre au camion, glaçante). Malgré tout, "Moi, Olga" est une œuvre hermétique qui ne parviendra jamais vraiment à transporter son spectateur. Volontairement austère et difficile d'accès (à l'image d'Olga), le film est fascinant à défaut d'être transcendant et amène un souci de vérité parfois trop rare dans le cinéma d'aujourd'hui. Évitant les pièges de l'histoire qu'il conte, "Moi, Olga" est surtout la découverte d'une actrice, Michalina Olszanska. Avec ses faux airs de Natalie Portman, son visage à la fois ferme et innocent, Olszanska traîne son mal de vivre et sa sensualité un peu garçonne dans un rôle difficile, rendant Olga encore plus trouble et inaccessible...