Trop souvent considéré comme genre mineur, le film d'animation s'est, l'année dernière, illustré, avec brio, à Cannes. "Ma Vie de Courgette" a bouleversé plus d'un spectateur à la Quinzaine des Réalisateurs. Egalement, "La Tortue Rouge" a su se démarquer du genre en remportant le Prix Spécial du Jury (Un Certain Regard). En effet, ce film est un nouveau regard sur un thème déjà connu : celui du naufrage.
Merveilleux conte poétique, à l'émotion esthétique et musicale, c'est une réinterprétation épurée de l'existence humaine. C'est l'esquisse d'une vie. Entre naturalisme et échappés oniriques, Michael Dudok de Wit nous parle de nous-même, de notre vie, de notre rapport au monde. Tout ça tranquillement, autrement, hors du temps.
Pour revisiter le mythe du naufragé échoué sur une île déserte, il fallait une proposition radicale. Entièrement dépourvu de la moindre parole, "La Tortue Rouge" ne développe pas vraiment d'histoire, au sens propre du terme. Ou alors si banale que la raconter la déleste de sa poésie et de son mystère. A partir de quasiment rien, d'une point 0, le film montre tout simplement le parcours d'une vie. Mais le film parrainé par le Studio Ghibli, il faut donc s'attendre à autre chose ... le merveilleux va alors venir se glisser doucement dans les pas du récit traditionnel de la survie. Car une force mystérieuse empêche le naufragé de quitter l'île. Chaque tentative se solde par la destruction de son radeau à quelques mètres à peine du rivage. La responsable de ses malheurs ? une immense tortue rouge qui, telle une métamorphose, bouleverse la vie du naufragé et, en même temps, la temporalité du film.
"La Tortue Rouge" dispose d'un style visuel plutôt unique ; une palette assez limitée en couleurs, vives avant tout, des textures au sol volontairement plates et l'arrière-plan manque de relief. C'est volontaire et c'est très beau ainsi, car ça permet la mise au premier plan des personnages et émotions. On ne reniera pas les magnifiques panoramas offerts par une direction artistique lumineuse et chatoyante. Minimaliste, la mise en scène est travaillée. Le film est avant tout pour les moins jeunes, mais les enfants pourront y trouver leur compte, mais ne pourront tout comprendre.