En 1979, Steven Spielberg sort des deux succès colossaux que sont Les Dents de la mer et Rencontres du troisième type. Il décide alors de se pencher sur un scénario signé Robert Zemeckis et Bob Gale et produit par John Milius : 1941. Pour sa première rencontre cinématographique avec la Seconde Guerre mondiale (sujet qu’il retrouvera dans Les Aventuriers de l’Arche perdue, Empire du soleil, Indiana Jones et la dernière croisade, La Liste de Schindler et Il faut sauver le soldat Ryan), Spielberg signe ce qui reste sa seule véritable comédie à ce jour.
Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il ne fait pas dans la dentelle ! S’inspirant très librement événements qui se sont réellement déroulés, le film est un énorme chaos tournant en ridicule le patriotisme américain, à tel point que John Wayne et Charlton Heston le refuseront catégoriquement pour cette raison. En effet, les citoyens de la bannière étoilée ne font que de se battre en eux comme des enfants au lieu de réellement se concentrer sur le véritable ennemi qui se trouve le long de leurs côtes : un sous-marin japonais. Ainsi, ce dernier repart sans avoir été touché et en pensant avoir réussi sa mission (frapper Hollywood qu’ils ont finalement confondu avec un parc d’attraction) mais les américains se félicitent de l’avoir fait fuir et sont convaincus de l’avoir touché. En attendant, ces derniers ont détruit beaucoup de choses en s’affrontant pour des choses futiles (rivalités amoureuses…) ; le fantasque "Wild" Bill Kelso tirent sur des américains en les confondant avec les japonais pour finir par se jeter stupidement dans la gueule du loup en rentrant dans le sous-marin sans aucun plan si ce n’est son orgueil patriotique ; Ward Douglas détruit sa maison en se prenant pour un héros et en voulant couler sans autorisation le sous-marin avec un canon qu’il n’a jamais utilisé… Tout le long du film, les américains sont montrés comme un peuple patriotique à la fois orgueilleux et paranoïaque, ce qui vaudra au cinéaste son premier gros échec public et critique.
Mais ce désaveu est également dû à l’aspect foisonnant du film : il part dans tout les sens, il est hyper bruyant, les destructions s’enchaînent (en ne causant ni mort ni blessé grave !!!), la narration suit plusieurs personnages… Le tout rend le film très loufoque et fait souvent sourire mais rarement rire aux éclats. De plus, chose rare dans sa filmographie, Spielberg multiplie les allusions sexuelles (provenant du scénario de Zemeckis et Gale) dont les principales tournent autour du personnage de Donna Stratton qui est frigide au sol mais qui devient une obsédée sexuelle dès qu’elle se trouve dans les airs.
Toutefois, même s’il ne fait pas autant rire que prévu, 1941 possède de nombreuses qualités. Ainsi, la mise en scène de Spielberg est très spectaculaire (il marque notamment sa première utilisation de la Louma qu’il popularisa au cinéma) notamment dans la séquence du bal qui est un reste du désir du cinéaste de faire de son film une comédie musicale. De plus, il est très amusant de repérer les multiples clins d’œil se trouvant tout au long du film (la projection de Dumbo ; la reprise de la musique de L’Homme tranquille, film dont une séquence sera reprise dans E.T. l’extra-terrestre…) notamment à sa propre filmographie (la première séquence parodiant clairement celle des Dents de la mer en réutilisant la même actrice, le fait d’utiliser Lucille Bensen en tenancière de station-service alors qu’elle tenait déjà ce rôle dans Duel, le choix de Lorraine Gary pour jouer la mère de famille comme dans Les Dents de la mer…). Il est même amusant de remarquer que la première chose que voit "Wild" Bill Kelso en ouvrant la porte après s’être écrasé dans un parc préhistorique est un tyrannosaure, 14 ans avant Jurassic Park ! À cela s’ajoute un casting assez ahurissant puisque, malgré les refus de John Wayne et de Charlton Heston, on retrouve Dan Ackroyd, John Belushi, Christopher Lee (en nazi qui ne parle qu’allemand pendant tout le film), Toshiro Mifune, Warren Oates, Robert Stack, Treat Williams, Nancy Allen, John Candy, Slim Pickens, Mickey Rourke (pour sa première apparition au cinéma), Penny Marshall, John Landis et bien d’autres. Enfin, le film est également servi par la maestria habituelle de John Williams qui signe une musique tout à fait brillante (Spielberg considérant d’ailleurs sa marche comme étant encore meilleure que celle des Aventuriers de l’arche perdue).
Ainsi, même si Spielberg s’est laissé dominer pendant le tournage par la mégalomanie liée aux succès de ses précédents films (chose qu’il reconnait aujourd’hui) en explosant son budget et en ayant un tournage incroyablement long (247 jours !), 1941 est une curiosité dans la filmographie de ce génie du cinéma qui ne rencontra pas son public et qui rencontra des critiques très sévères. Redevenu plus humble suite à cet échec, il pourra renouer avec le succès avec Les Aventuriers de l’Arche perdue.