Ces derniers temps, il semble que, le cinéma français se retourne souvent sur ces années de liberté hédoniste que furent la fin des années 70, à travers l’un de ses symboles les plus emblématiques, le milieu de la pornographie, systématiquement présenté comme artisanal et insouciant. A l’instar d’une autre production récente sur le sujet (‘L’Amour est une fête’), ‘Un couteau dans le coeur’ se déroule dans le milieu du porno gay de la fin des seventies avec en arrière-plan, cette menace latente, légale, médicale, morale, qui sifflera bientôt la fin de la récré. Toutefois, la ressemblance s’arrête là car alors que le premier s’efforçait de donner un aperçu subjectif mais crédible du milieu du X, le film de Yann Gonzales n’a aucunement le souci du réalisme chevillé au corps. Il y est en effet question d’un mystérieux tueur masqué qui s’en prend aux acteurs fétiches d’une productrice jouée par Vanessa Paradis, toujours aussi à l’aise dans les rôles bizarres. Malgré les apparences, il n’y a aucun risque qu’on assimile ‘Un couteau dans le coeur’ à un solide polar franchouillard. D’une part, il y a ces aplats de couleurs saturées, cette musique hypnotique, ce fétichisme liés aux armes blanches qui prouvent que Yann Gonzales a vu beaucoup de gialli dans sa vie. D’autre part, le scénario tient à peine debout, avec des passages à vides, des acteurs approximatifs, choisis pour leur gueule plutôt que pour leur talent dramatique, et des ruptures de ton radicales qui passent d’une violence frontale à des traits d’humour plus ou moins volontaires, comme on en trouve dans le cinéma-Bis fauché. C’est que l’ambition du réalisateur va bien au-delà de la reconstitution d’époque agrémentée d’un hommage plus ou moins ouvert à un cinéma qu’il affectionne : c’est toute une manière de penser le cinéma qu’il entend faire revivre, un projet où l’onirisme, la fantaisie, le surréalisme, la liberté du ton et de corps ont une place, toutes choses qui, selon lui, ont déserté un cinéma français obsédé par le réalisme et le “message” depuis une trentaine d’années. Un film de niche comme celui-ci ne risque évidemment pas de renverser la vapeur et s’adresse en priorité à ceux qui n’ont pas besoin qu’on leur explique que les années 70 possédaient effectivement quelque chose de particulier, dans tous les domaines...et il n’est pas difficile d’imaginer que, justement habitué à certaines règles immuables qui régissent le cinéma hexagonal des dernières décennies, certains spectateurs trouvent le résultat bancal, incohérent, idiot ou incompréhensible. Pour ma part, ne serait-ce que par rapport à cette volonté de se poser en franc-tireur et de parler, dans une fiction qui raconte une autre fictioon, d’une manière de penser le cinéma autrement, ‘Un couteau dans le coeur’ a tenu son pari.