A Kinshasa, dans un « café tapageur », comme dirait Rimbaud (mais sans « lustres éclatants »), accompagnée par un groupe de musiciens aux rythmes dansants, s'élève la voix de Félicité. Elle est chanteuse, c'est son gagne-pain. Mais c'est un métier qui ne rapporte pas suffisamment pour payer la forte somme demandée pour opérer son fils de 14 ans dont elle apprend qu'il est à l'hôpital, gravement blessé à la suite d'un accident de la route.
Commence alors pour la femme une recherche inlassable d'argent afin de pouvoir payer les frais d'hôpital. Elle est capable de tout pour le salut de son fils, même à supporter les humiliations et les avanies. Rien ne l'arrête. Elle prend des coups, mais sans jamais baisser les bras.
C'est un film étonnant qu'a réalisé Alain Gomis. Dans cette ville grouillante et violente qu'est Kinshasa, le portrait de Félicité, la femme-courage, oscille d'un bout à l'autre entre le réalisme et l'onirisme. Les scènes brutales font place à des scènes qui semblent venir d'un songe. Et il en est de même quant aux dialogues, tantôt empreints de sécheresse et de dureté tantôt s'élevant jusqu'à des sommets de poésie (une voix off fait entendre, durant une des scènes, un poème de Novalis).
Mais c'est la musique qui réserve le plus de surprises. Elle bascule, elle aussi, d'un extrême à l'autre et marque tout le film de sa présence. Il y a, d'un côté, les rythmes dansants dont j'ai déjà parlé, les percussions, la voix de Félicité. Et, de l'autre, le film offre de longues séquences tout imprégnées d'une musique totalement différente, qui n'a rien à voir avec les rythmes africains, puisque c'est celle de l'estonien Arvo Pärt. Etonnante rencontre des cultures : ces compositions venus d'un pays balte sont interprétées par un orchestre, une soliste et un choeur entièrement congolais. Le résultat est merveilleux, beau comme une porte ouverte sur le ciel.
Dommage que le film soit, à mon avis, un peu trop long. Raccourci de quelques scènes qui ne m'ont pas semblé très intéressantes, il serait fascinant. Cela dit, il mérite amplement le déplacement. 7,5/10