Dans une décennie qui aura vu Francis Ford Coppola réaliser des films formellement plus modestes que ses grandes fresques ("Le Parrain", "Apocalypse Now"), sa plus belle réussite reste "Peggy Sue s'est mariée". Nous sommes en 1985, Peggy Sue a une fille mais son mariage bat de l'aile, son mari l'ayant trompée. Alors qu'elle participe à un gala réunissant tous les anciens de son lycée, elle s'évanouit et se retrouve projetée vingt-cinq ans plus tôt, l'année où le séduisant Charlie l'avait demandée en mariage. Ce retour en arrière purement mental est donc l'occasion pour Peggy Sue de se confronter à sa famille, à ses amis et à l'homme qu'elle a aimé, un moyen de réfléchir aux erreurs qu'elle a pu commettre, voire de les réparer. Toute la finesse du film réside dans sa manière très juste de saisir des moments anecdotiques, légers, et d'autres plus graves, qui prennent la mesure du décalage temporel – scène déchirante où Peggy Sue reçoit un coup de fil de sa grand-mère, alors décédée depuis longtemps – ou des tentatives du personnage de changer son destin , tel ce moment au romantisme exacerbé où elle passe une nuit sous les étoiles avec un garçon poète et solitaire. Mais rien n'y fait, Peggy Sue ne peut réécrire son histoire, sa vie : elle aura beau repoussé Charlie dans son rêve, son voyage onirique se finit sur la concrétisation de leur union. Une fois réveillée, Peggy Sue fait part à son mari de l'expérience vécue : "je te repoussais, mais tu ne m'abandonnais pas"; Charlie, épuisé, délivre cette réplique magnifique : "je ne t'abandonnerai jamais". Cette fin qui nous fait fondre en larmes contrecarre la mélancolie qui nous avait jusqu'alors submergés, elle affirme qu'il ne sert à rien de regretter son passé mais que c'est bien le présent, même s'il est difficile, que l'on doit affronter. Film sublime, porté par deux acteurs principaux en état de grâce, baigné par un rythme propre à celui d'un rêve, "Peggy Sue s'est mariée" est l'un des plus beaux longs-métrages de Francis Ford Coppola.