Peggy Sue Got Married présente l’intérêt d’aborder le voyage dans le temps comme un moyen de confronter un présent décevant avec un passé tout à la fois idéalisé – parce qu’il appartient à la mémoire individuelle et redonne vie et forme à ce qui n’était jusqu’alors qu’une somme de souvenirs épars – et porteur des germes de l’échec à venir, soit la perspective d’un mariage placé sous le signe de la prolongation et la concrétisation de l’insouciance et de l’amour véritable, alors qu’il cristallisera la souffrance des amants. L’exploration d’un passé, qui oscille entre le personnel et le générationnel dans la mesure où la jeune femme ne fouille pas sa mémoire mais retourne dans les années 60, vise alors moins à le réécrire qu’à comprendre le présent et permettre au couple de perdurer, de surmonter la crise qu’il traverse.
Aussi le regard de Peggy Sue sur sa ville d’adolescence associe-t-il deux statuts : celui d’acteur qui peut légèrement influencer la marche de son destin, celui de spectateur désabusé qui se raccorde à la magie d’un âge synonyme de liberté et de bonheur. La séquence de trajet en voiture fait d’elle un touriste émerveillé : assise à l’arrière après avoir quitté l’infirmerie scolaire, elle redécouvre son passé à partir de ce qu’elle est maintenant. De même, les interactions avec sa famille et son entourage se modifient-elles, qualifiées de « bizarres ». Ce voyage temporel a donc un effet miroir, explicité par l’ouverture et la clausule du film : son effet est spéculaire, et Peggy Sue revoit moins à l’identique les êtres, les lieux et les situations qu’elle a connus autrefois qu’elle ne les perçoit sous un nouveau jour, décelant la fragilité d’une sœur que l’on mésestimait sans raison ou le talent d’un petit-ami que l’on fait souffrir pour des fautes qu’il n’a pas encore commises.
Francis Ford Coppola retrouve donc ici l’un de ses thèmes de prédilection, à savoir la fuite du temps et les dégradations qu’elle produit sur les sentiments et, plus généralement, sur l’âme ; ce faisant, il présente aussi les années 80 comme nostalgiques des années 60, mieux comme dépendantes d’elles comme le faisaient déjà, pour la décennie précédente, American Graffiti (George Lucas, 1973) ou Grease (Randal Kleiser, 1978) avec les années 50.
Toutes ces qualités, d’ordre esthétique et symbolique, ne sauraient pourtant masquer l’incapacité rencontrée par des acteurs mal choisis à susciter émotions et compassion, la lourdeur des dialogues et l’absence de charme. Dit autrement, le long métrage traite du voyage dans le temps mais n’est à aucun moment magique. Comme si Coppola se contentait de mettre en images un projet qu’il s’approprie mais qu’il sait ne pas venir de lui, à l’instar des fameux miroirs réfléchissant des reflets imparfaits.