"The eyes of my mother" est le premier long métrage d'un jeune réalisateur de 26 ans qui a visiblement décidé de marquer les esprits. Présenté dans la section NEXT du festival de Sundance en 2016, le film plonge le spectateur dans l'univers d'une famille dysfonctionnelle, dont on devine très rapidement qu'elle vit en quasi autarcie dans une campagne très reculée des États-Unis.Dans la ferme parentale, Francisca (Kika Magalhães) reçoit l'éducation de sa mère interprétée par Diana Agostini (actrice plutôt rare, dont les principaux faits d'armes sont une apparition dans "Le Parrain 3", suivie d'un petit rôle dans la série télévisée "Les Soprano"),
ancienne vétérinaire lui enseignant comment extraire les yeux des vaches sans les endommager, se référant ainsi à la légende de Saint François d'Assise, le médecin des animaux.Quand un dangereux psychopathe surgit un matin pour tuer la mère de Francisca qui lui a imprudemment ouvert sa porte, le père (Paul Nazak), découvrant la scène de massacre, enterre sa femme dans le jardin et emprisonne le tueur dans une grange en l'attachant pieds et poings liés à une chaîne. Francisca passera le reste de son enfance entre son père mutique et l'assassin de sa mère, enfermé dans la grange
, à qui elle prodigue des soins après l'avoir énucléé. Devenue jeune femme à la mort de son père, elle va désormais devoir affronter seule son destin. Cela ne se fera pas sans douleur et sans conséquences néfastes.Nicolas Pesce, qui a écrit lui-même le scénario, décrit alors par le menu les graves troubles psychologiques de Francisca, élevée en vase clos sans aucun contact avec le monde extérieur. Inutile, bien sûr, de chercher la moindre vraisemblance dans le récit, le jeune réalisateur cherchant surtout à distiller une ambiance à partir du jeu minimaliste de ses acteurs et d'une photographie en noir et blanc saturée, destinée à renforcer la sensation bizarre qui étreint le spectateur devant l'étalage d'une horreur du quotidien dénuée de tout spectaculaire. Il s'agit peut-être pour Nicolas Pesce de prendre à rebours tous les codes du genre horrifique, ses références étant plutôt à rechercher du côté de "La nuit du chasseur" (Charles Laughton, 1955), de "Eraserhead" et plus encore du récent "The Witch".Si l'exercice de style est plutôt réussi, il semble un peu vain et donc impropre à justifier l'exposition de tant d'images dérangeantes. Il faudra malgré tout regarder avec attention l'évolution de ce jeune réalisateur plutôt doué, qui n'a disposé que de 18 jours de tournage pour boucler "The eyes of my mother". Depuis, il a réalisé "Piercing" (2018), avec un casting plus conséquent, lui aussi présenté à Sundance, et il est actuellement en cours de réalisation du quatrième segment de la saga "The Grudge". À suivre.