Grande question que pose "Sonita" qui n'est pas tout à fait un documentaire, pas tout à fait une fiction, mais quelque chose d'hybride : le cinéma peut-il sauver une vie et transformer le monde ? C'est bien là l'intérêt majeur de cette immersion au cœur de l'Iran, mais aussi, en contrepoint absolu, de l'Afghanistan, où le destin des jeunes-femmes mariées de force à des hommes riches, pour pouvoir payer la dot des fils, interpelle sur la condition humaine en général et l'impuissance occidentale. Sonita est une jeune rappeuse de 15 ans qui a été confiée à un pensionnat en Iran, et qui se bat pour faire vivre son art, la chanson. Elle crie sa colère, son histoire, à la façon d'une autofiction en littérature où il est question de vente de femmes, de domination masculine et du poids de la tradition si puissant que le changement des mentalités semble impossible. La réalisatrice prend une place assez particulière dans son œuvre, puisqu'elle devient elle-même un personnage qui va permettre à la jeune chanteuse de s'extirper de son destin fermé. Le problème, c'est que l'on ne peut pas s'empêcher de penser à toutes ces petites et jeunes-filles qui traversent le film et dont on sait qu'elles ne bénéficieront pas de l'appui exceptionnel de Sonita. On est tout aussi admiratif du courage avec lequel ce petit bout de femme revendique la condition féminine, le droit à la musique, dans un contexte qu'on imagine violent et contrôlé. Il manque peut-être l'explication de texte, à savoir pourquoi cette jeune-fille et pas une autre a été capable d'exprimer son art (qui n'est pas formidable d'un point de vue de l'écriture), a bénéficié d'autant de soutiens, là où des milliers de jeunes-filles cachées derrière leur tchador seront mariées à des hommes âgées et privées de toute existence sociale. La mère de Sonita incarne bien cet enfermement de la culture, où les choses sont perçues comme normales, parce que traditionnelles. "Sonita" est un film qui donne de l'espoir dans notre monde où plus personne n'ose se regarder, laissant partir à l'abandon des projets de bonheur.