Le film d’Antonio Campos a attiré notre attention lors de cette compétition car il présente l’histoire vraie de Christine Chubbuck, journaliste pour une petite chaîne télé américaine des années 70. Si le sujet est intéressant sur bien des points, le rythme choisi pour nous le conter est par contre bien moins efficace. Rempli de longueurs et de sensations de lenteur, le long métrage (qui dure presque 2h), peut par moment sembler soporifique. Dommage car hormis ce souci de dynamique, le dernier film du jeune réalisateur a vraiment de quoi satisfaire les cinéphiles. Adepte des sujets dramatiques, le metteur en scène de 33 ans, nous offre, après « Afterschool » et « Simon Killer » une nouvelle dénonciation des travers de notre société et les conséquences que cela peut entraîner.
Avec « Christine », nous entrons de plein pied dans l’univers de la télévision des années 1970. WRZB est une petite chaîne locale où chaque journaliste est libre d’amener ses sujets, son traitement, sans censure. Christine Chubbuck fait partie de cette équipe depuis quelques années et part régulièrement à la rencontre des populations régionales pour présenter leurs savoir-faire et leurs histoires. Mais lorsque les audiences ne suivent plus et que le grand patron débarque dans les studios, c’est toute la philosophie de la chaîne qui est remise en cause : pour faire de l’audience, il faut du trash ! Réticente à changer sa façon de faire, Christine n’a pas d’autres choix que de se plier à cette nouvelle ligne de conduite si elle veut gravir les échelons.
Christine, c’est l’excellente Rebecca Hall ! Vue tout récemment dans « Le bon gros géant », l’actrice jongle avec les genres cinématographiques, passant ainsi de « Vicky, Christina, Barcelona » à « The gift » avec un talent constant. Ici, elle a la lourde tâche d’interpréter une journaliste à fleur de peau qui voit sa vie basculer d’un jour à l’autre : la relation qu’elle entretient avec sa mère (J. Smith-Cameron), récemment casée, n’est plus au beau fixe ; son boulot ne correspond plus aux valeurs qui lui sont propres ; sa vie amoureuse est d’un vide ennuyeux et sa santé lui fait défaut puisqu’on lui diagnostique un kyste à l’ovaire (qui risque de ne pas lui permettre de grossesse). Christine a trente ans et tout semble lui filer entre les doigts. Esseulée, elle n’a finalement que peu de personnes à qui parler et cette succession de mauvaises nouvelles tendent à la pousser vers un drame inévitable…
Le monde de la télévision est particulièrement bien représenté : ses exigences, le jeu des audiences, la cruauté de la temporalité, la course à la notoriété, l’individualité… permettent de nous rendre compte combien travailler dans les médias (à cette époque) n’a rien d’enviable. On entre de manière privilégiée dans les coulisses d’un univers où il n’est pas bon être fragile.
Dans cette équipe médiatique, on retrouve tous les clichés auxquels on ne peut que penser et qui font pourtant partie de la réalité. Le journaliste vedette de la chaîne (interprété ici par Michael « Dexter » C Hall), un rédacteur en chef peu conciliant (Tracy Letts), un producteur financier qui n’y connaît rien au monde de la télé (John Cullum), une bienveillante assistante de plateau (Maria Dizzia), une belle chroniqueuse sportive opportuniste (Rachel Hendrix), un présentateur météo foireux (Timothy Simons), nul besoin de faire dans la caricature, les personnages qu’ils incarnent en sont déjà les dignes représentants.
Véritable immersion (presque documentaire) dans la vie de Christine Chubbuck, « Christine » ne laissera personne indifférent. Certains se seront enlisés dans la lenteur du film, d’autres auront apprécié l’exercice de style et l’interprétation impeccable de Rebecca Hall. Pour notre part, nous sommes partagés entre ces deux impressions mais nous assumons pleinement ce choix de voir que les Américains proposent encore un cinéma épuré, engagé et assumé.