Le chorégraphe insiste : la danseuse doit tomber sur le sol, jusqu'à se faire mal, et le bruit de la tête qui cogne le parquet doit s'entendre, alors, elle tombe, elle tombe, et soudain, par enchantement, l'art se trouve là, devant nos yeux, étalé à même l'écran. "Mr Gaga Sur les pas d'Ohad Naharin" va au-delà du documentaire. C'est une œuvre forte qui raconte l'alchimie stupéfiante qui s'opère entre la vie d'un artiste et sa création. La danse habite Ohad depuis qu'il est enfant, au milieu des terres du Kibboutz où il grandit entre son frère autiste, ses parents et les enfants des villages. Même pendant l'armée, il continue de danser. Et il dansera encore à New York pour, au bout de quelques années, faire le choix de revenir à Israël. Le film ne parle pas que du créateur. Il offre une sorte d'allégorie esthétique de tout le peuple juif, sur les terres d'Israël, montrant que l'art ne fait pas que montrer, il est nécessairement politique et culturel, démontrant les complexités et les rouages idéologiques qui minent le monde. Le mouvement corporel qu'Ohad invente, le Gaga, incarne toute l'animalité, sinon la monstruosité géniale de l'artiste qui n'hésite pas à désarticuler les corps pour en extraire la quintessence du Beau, de son Beau à lui. Formidablement documenté, "Mr Gaga Sur les pas d'Ohad Naharin" donne profondément envie de se précipiter sur une scène théâtrale pour découvrir les créations de l'artiste, qu'on regardera avec des yeux grandis, le sentiment que le cinéma nous en aura dévoilé les mystères.