Les Travaux et les Jours..... les peines et les joies..... la douleur et la douceur... C'est une chronique paysanne que nous propose Xavier Beauvois, mais pas n'importe laquelle, entre 1915 et 1918, dans le Limousin de la Grande guerre (le terroir de l'auteur du livre adapté, Ernest Pérochon - prix Goncourt avec une autre oeuvre régionaliste, "Nêne", en 1924, étant en fait les Deux-Sèvres). Avec épilogue-morale sur 1919/1920. Les hommes au front (qu'on ne revoit qu'au rythme des permissions), la campagne est le domaine exclusif, par force, des femmes (aidées aux gros travaux saisonniers par les plus âgés des enfants - l'école suivant cette exigence, celle des moissons tout spécialement, et les anciens encore valides), "Les Gardiennes". Gardiennes du foyer, des finances, dures à la peine, intraitables sur la morale aussi, comme l'apprendra à ses dépens la jeune commise venant de l'"Assistance" (sans père, mère morte en couches), une des deux héroïnes du film, "Francine" (Iris Bry - une première expérience cinématographique, sans aucune préparation en la matière, réussie). Le conflit meurtrier est bien là, mais en creux, l'essentiel étant l'émancipation des femmes, en amorce seulement, car la guerre achevée et les hommes revenus, les querelles patrimoniales reprennent, les épouses et mères "rentrent dans le rang". Et ces héroïnes du quotidien n'auront pas encore un brevet de citoyenneté (au rebours des Britanniques...) : pas de droit de vote, alors qu'elles ont tenu le pays à bout de bras, économiquement (campagnes comme usines) autant que moralement, plus de 4 ans durant - les radsocs de l'Entre-deux-guerres les soupçonnant de trop d'attachement au goupillon "réactionnaire"...). Un joli film, naturaliste (au fond) et impressionniste sur la manière, dont la longueur-même (2 h 15) se justifie par l'ambition de la tâche : pendant que les egos politiques avaient conduit, des deux côtés du Rhin, à la même boucherie, les "gardiennes", des deux côtés du Rhin (et dans toute l'Europe ravagée, à feu et à sang), faisaient oeuvre nécessaire. Mise en scène discrète (comme la parole du rural est sobre...), et de bons interprètes (Nathalie Baye en "Hortense", la maîtresse du Paridier, la 2e héroïne de l'histoire, en particulier). Histoire et nostalgie (au-delà de l'horreur des combats et des chagrins n'épargnant aucune famille, la France d'avant les errances du mondialisme... il y a 100 ans, il y a une éternité....). 4 étoiles.