Il y a un mois, sortait le film de Marine Francen, Le Semeur, adapté du petit livre de Violette Ailhaud, sorti en 1919, l’Homme semence…sur une thématique identique, un village qui perd ses hommes, et les femmes qui prennent leur place aux travaux des champs, Xavier Beauvois adapte le roman éponyme d’Ernest Perrochon, sorti en 1924, et que lui avait fortement recommandé sa productrice Sylvie Pialat…Il montre la guerre sans monter au front, mais en évoquant ce qui se passe loin du champ de bataille dans un univers quasi uniquement peuplé par des femmes…les hommes, à part les vieillards trop vieux pour combattre, vont et viennent lors de permissions, évoquent leurs souffrances, la mort qui rode quand la vie continue chez eux…sauf quand la mort s’annonce par le maire en habits de deuil…. Au Paridier, ferme située en Haute Vienne, la mère et sa fille rompues aux tâches de la terre, s’y attellent…la besogne est rude, Solange (Laura Smet), fille d’Hortense (Nathalie Baye) élève de surcroit Marguerite, la fille de Clovis, son mari, parti au front et prisonnier en Allemagne. Pour faire face, elles embauchent Francine ( Iris Bry), jeune orpheline pleine de vigueur…Les deux fils d’Hortense Georges et Constant ont été mobilisés…Le film embrasse le temps long de la guerre, l’éternité de la campagne, les cycles de la nature, des amours et des deuils…La photographie de Caroline Champetier est d’une époustouflante beauté plastique, que ce soient les intérieurs, faiblement éclairés comme un Rembrandt, ou les extérieurs, éclatant de soleil ou nimbés de brume, comme un tableau de Millet ou de Courbet…le rythme est lent, la parole économe, les silences lourds de sens, la musique de Michel Legrand discrète et ne soulignant que les moments les plus forts… les hommes lorsqu’ils reviennent en permission enfouissent l’indicible qui revient dans leur cauchemars…ils lâchent des vérités sourdes et disent que les allemands leur ressemblent, instituteurs, ouvriers et paysans et que la mort ne distingue pas…Xavier Beauvois creuse un autre sillon, celui d’une émancipation des femmes acquises en l’absence des hommes, ce sont elles qui amènent la machine, tracteur et batteuse…Nathalie Baye et Laura Smet sont réunies pour la première fois dans un rôle mère fille et dans des rôles très physiques !!! Mais la révélation du film est Iris Bry (Francine) qui n’avait jamais mis les pieds sur un plateau de cinéma avant de décrocher ce rôle, castée par le plus grand des hasards à la sortie d’une librairie où elle préparait un brevet professionnel. Xavier Beauvois et Caroline Champetier filment magnifiquement les visages, et Iris Bry, beauté rousse, mélange de modestie et d’éclat, capte superbement la lumière et dans les images finales incarne le retour de la fête, alors qu’Hortense, les hommes revenus, retrouve la réalité de la transmission de la terre en vertu du cadastre familial.… C’est un film épuré et dense, parfois austère, au rythme lent et formellement magnifique…