Le premier dialogue du film étonne: il sonne étonnamment faux. Un second encore plus. Les acteurs, sommés de jouer a minima, de faire absolument toutes les liaisons, de parler sur un ton impersonnel et déclaratif, sonnent faux. Puis, assez vite, on se laisse prendre au jeu : cette froideur absolue des mots donne finalement du relief à ce qui est dit, et permet quelques échanges saisissants, à la force absurde et symbolique. Cela ne dure malheureusement que 20 minutes.
Car cette direction des acteurs (qui garde, qu'on le veuille ou non, quelque chose d'un élitisme tristement snob) pèse de plus en plus au fur et à mesure que le film avance, jusqu'à le pourrir entièrement. La métaphore biblique est d'une lourdeur éprouvante, les symboles omniprésents dans le film perdent toute force du fait même de la froideur que je viens de décrire. Les symboles n'ont d'utilité que s'ils entretiennent une dynamique forte avec le réel, avec la vie. Ici, il n'y a que des êtres résumés soit à une asocialité étrange (Marie, la mère), soit à une socialité vaine et pervertie (la réception littéraire). En résumé, il n'y a pas ou peu d'humains, alors que la seule chose dont a besoin ce film, c'est d'incarnation, d'une mise en valeur effective (et non pas seulement suggérée par un regard-furtif-qui-veut-tout-dire d'un acteur à un autre) de la pléthore de symboles qui y sont développés. Les quelques esquisses d'humains qu'on y trouve (grosso modo, le duo fils-père spirituel se développant petit à petit) transmettent peu, voire rien dans le cas de Victor Ezenfis, dont la blancheur du visage accentue d'autant plus l'inexpressivité et la vacuité de chacune de ses paroles. Bref, le concept initial (qui semblerait être la marque de fabrique de Green ! dont je n'ai pas vu d'autre long-métrage) gâche le film, qui de plus, dans le fond, n'a pas grand chose à dire d'original ou d'intéressant: une critique de la bourgeoisie et des milieux littéraires facile et on ne peut plus banale, l'importance d'une transmission et d'un "enracinement", une modernisation du message biblique (et encore)...
A noter que le meilleur moment du film fut pour moi le générique d'introduction et sa sublime musique :)
Amalric, jouant Oscar Pormenor, peut-être parce que, justement, sa diction garde un certain naturel, parce que sa présence est phénoménale, et aussi parce qu'il a le rôle le plus intéressant, est largement au-dessus du lot. Sa voix grave, ses répliques (
Oscar : "J'ai une femme 5 enfants dont je dois m'occuper" Son frère : "Tu as trois enfants Oscar", réponse d'Oscar: "je ne fais pas dans les détails" ; ou plus loin: "Satan qui régnez sur ce monde, protégez-moi des emmerdeurs"
), sa violence, ses désirs, le fait que lui soit une synthèse cohérente d'intimité et de sociabilité... Finalement, Pormenor/Amalric est le seul personnage incarné de tout le film, et à ce titre là, toute la symbolique dont les textes débordent aboutit, car elle est portée par un humain, auquel on croit en tant qu'humain. Humain de chair et de voix. Voix grave.