Une salle de 250 places d’un cinéma indépendant presque pleine pour une séance en semaine à 18h, un tonnerre d’applaudissement au générique de fin et on se demande bien pourquoi aucun UGC de Paris ne passe ce film la semaine de sa sortie… Enfin, vous vous demandez peut-être car, moi, j’ai ma petite idée, confortée par le choix de certains médias « d’oublier » à dessein de traiter de la sortie de ce film. Je me demande déjà si une chaîne de télévision aura la volonté de diffuser ce monument de l’humour résistant français…
La construction du film est parfaite
: du début où le réalisateur-acteur tente le dialogue, en avançant à visage découvert, avec l’homme le plus riche de France et accessoirement grand patron du luxe en France jusqu’à l’épilogue où, en roi de l’arnaque, il arrive à retourner les clauses des contrats contre leur rédacteur et à obtenir tout ce qu’il souhaitait.
C’est traité avec beaucoup d’ironie et d’humour et cet angle est vraiment le bon tant le désespoir des gens et le drame de certaines situations sont à mettre en parallèle de l’opulence de ceux qui ont participé à provoquer ces drames. Le fait que l’action soit proche de nous géographiquement nous touche encore davantage.
Il y a du Michael Moore en François Ruffin dans cette scénarisation du documentaire et cet art de la mise en scène mais François Ruffin est aussi un fin stratège, digne héritier de Machiavel, qui a plusieurs coups d’avance sur l’adversaire. Certains pourront rétorquer que la manière utilisée manque de morale mais est-ce que les licenciements massifs en période de bénéfices, de dividendes outranciers et de chômage de masse sont moraux ?
Même si le dialogue est impossible entre un journaliste qui a de vraies questions et un patron qui ne veut pas y répondre en refusant le dialogue, certains éléments du film nous en disent bien plus longs que toutes les interviews
: quand le salaire est trop cher en France, on délocalise en Pologne puis quand le salaire est trop cher en Pologne on délocalise en Bulgarie mais ce n’est pas fini car, en Bulgarie, quand le coût de la main d’œuvre représente 30 euros sur un costume vendu 1000 euros, on songe à délocaliser en Grèce ! Je ne parle même pas du paquet de lettres dont l’analyse des destinataires montre que certains (les hommes politiques de « gauche », les médias traditionnels…) inquiètent bien moins les fers de lance du capitalisme que d’autres médias incorruptibles et non censurables pour le risque d’image à leurs sociétés.
On croit pouvoir acheter le silence pour 40 000 euros mais avoir bonne conscience, cela ne s’achète pas.
En résumé, une victoire éclatante du pot de terre contre le pot de fer : sans argent mais avec quelques feuilles de papier, des enveloppes, un stylo, une teinture de cheveux et une bande son d’un jeu de rôle joué par des comédiens amateurs, on peut, tel le MacGyver des temps modernes, faire beaucoup pour certaines personnes dans la misère !