Pas mal et plutôt drôle. Bien qu'il jette un éclairage acerbe sur la logique de l'actionnariat et de la mondialisation à travers l'exemple de LVMH, ce doc peut aussi mettre mal à l'aise. L'histoire, réelle, ressemble à une sorte de comédie amateur décalée, fondée sur un jeu de tromperie et de chantage entre nantis et victimes collatérales. Comme l'indique sciemment le sous-titre, il s'agit bien d'une «arnaque», mais pour ce qui est de la lutte des classes, on ne dépasse pas l'exercice du simulacre caricatural. Le réalisateur a exploité la mise en scène d'une stratégie de pression à l'égard d'un grand groupe, à juste titre soucieux de son image, dans le but de sauver (mais l'exploitant aussi pour l'intérêt de son film, par la même occasion) un couple on ne peut plus ch'ti en pleine mouise financière. Les Klur, des ch'tis pur jus, ont donc joué le jeu, acceptant, par sympathie désespérée, de se faire aider et coacher par cette entreprise de vraie falsification... Mais ça n'a rien de très original ni de transcendant. Au sujet de la situation financière en question, on reste dans le vague et l'élusif: on dit rapidement que le fils a l'air d'avoir fait une connerie en défonçant un 4X4, ce qui lui a coûté dans les 25.000, mais on n'en parle jamais en détail, ni des raisons -alcool au volant?-, ni de la situation du fils et de sa responsabilité, et on leur fait réclamer plus que cette somme, comme si elle correspondait à une situation de victimes et comme si cette situation était en lien direct avec le licenciement de Serge, le père. Or cela n'a rien à voir puisque le licenciement avait eu lieu avant cet accident. Certes, la situation paraissant désespérée pour ce ménage, il a de quoi passer à l'attaque... LVMH craignait par-dessus tout un manque de discrétion: avec ce film, ils sont servis... On ne dira pas ce que les Klur sont devenus après ce film. On pourrait imaginer que la révélation par ce doc de l'arnaque a pu placer Serge Klur dans une situation risquée ou fragilisée. Même si le groupe fait tout pour la sécuriser, son image prend ici du plomb dans l'aile et il dévoile bien son évitement à aider ses ex-employés de longue date qui seraient tombés en détresse, alors qu'il le pourrait. Bref, ce procédé, cette mise en scène manipulatoire, montre à la fois son efficacité -en donnant de l'importance aux minorités agissantes, aux groupes d'agitation médiatique- et ses limites -ça n'est pas bien extensible et tout dépend du contexte, du discours, de la réceptivité médiatique. Au-delà de cette dimension discutable, le titre du film annonce de toutes façons la couleur, par une ironie mordante, humoristique, en fait hypocrite (le patron est haï mais aimé pour son propre intérêt). On s'afflige de ce type de conséquences mais les clients des marques du groupe LVMH (quels qu'ils soient, riches ou pauvres) et surtout ceux des marques de luxe, qui ont eux plus le choix, tout comme les actionnaires ou encore les élus politiques, sont co-responsables de cette logique destructrice. La faute en revient à une logique de croissance continuelle sans scrupules, à une idéologie immorale qui pousse à délocaliser pour pressuriser le coût de la main-d’œuvre et enrichir élite et actionnaires, alors même que ce coût ne représenterait qu'une part infime du prix payé par les consommateurs. De plus, parmi les conséquences de ce cynisme pro-délocalisations, le coût social, comme le coût écologique forcément adjoint, peut être énorme. En fonction des situations, en cas de difficultés individuelles, de problèmes de résilience, ça peut engendrer un véritable broyage social. Histoire de dénoncer l'hypocrisie des soi-disant gauchistes, le film montre en passant un PS bien-pensant, incohérent, ancré dans la duplicité, complice honteux de l'ultra libéralisme, et qui maintient une posture séduisante pour engranger des voix, plutôt que par conviction. Quoiqu'il en soit, ce divertissement d'allure amateuriste, à la fois drôle et triste, livre une expérience mordante, aussi discutables qu'en soient les moyens. Ce qui fonctionne ici, c'est l'humour, la moquerie et un jeu de dupes entre David et Goliath, personnalisé ici par Bernard Arnault, soucieux de tout maîtriser, question d'intérêts et de rapport de force. Malgré son caractère décalé, culotté et satirique, cette œuvre n'en reste pas moins limitée, sans grande originalité et, à la réflexion, elle met un peu mal à l'aise. On expose une réalité sans dévoiler ce qu'on sait déjà et sans remise en cause. A prendre donc plus comme un divertissement pour décompresser.