Quand l’émotion est juste, l’œuvre est magistrale. Et l’émotion est là, juste, et forte, dans ce film qui vous fait incessamment passer du rire aux larmes. Ou des larmes au rire, plutôt, tant l’intensité dramatique est, sans jamais sombrer dans le pathos, prenante, prégnante. Le rire? Il vient ouvrir, dans la narration, des pauses subtiles de générosité, comme pour rappeler au spectateur de respirer, entre deux souffles suspendus au regard, aux silences, au reflux des mémoires de Michael Abitbol, merveilleusement campé par Avishay Benazra, bouleversant, d’une captivante présence qui crève littéralement l’écran pour vous prendre à bras-le-corps, à bras-le-cœur; souffles, suspendus au fil frémissant d’une histoire d’amitié entre Michael et Ali qui commence par arborer, dans son petit taxi rouge casablancais, des airs roublards avant de laisser tomber son bouclier pour révéler une âme savoureuse, fragile, d’une déroutante beauté. Ali, dont le rôle est porté avec maestria par un Aziz Dadas fascinant. Et le rire, comme une accolade, une pause complice, une caresse à une joue humide. Une pause imprégnée d’autant de tendresse que de dérision et qui joue, en réalité, un rôle plus important qu’il n’y paraît, nous renvoyant à des archétypes qui s’effritent au contact les uns des autres pour ne plus laisser place qu’à ce qui, d’ineffable, crée le liant entre les hommes en cette terre du Maroc. Aussi, non, ne vous attendez pas à une comédie légère! Ne vous fiez pas au premier extrait du film qui a d’abord circulé et met en scène, dans des rôles cocasses de rabbins délicieusement rusés, Gad El Maleh et Hassan El Fed! Ils sont là pour ces pauses, généreuses, en offrande. Vous ne basculerez pas, non plus, dans la tragédie. Vous ferez une plongée en apnée dans l’amour.