Est-il meilleur de se laisser pousser vers la sortie ou de se précipiter intentionnellement vers elle ? Le producteur de la saga X-Men, Simon Kinberg, passant par le scénariste et enfin le réalisateur, tranche lui-même à ses dépens. On ressentira les bonnes intentions de ce dernier, mais son premier long-métrage sonne creux, car capte très peu l’essence même de la tragédie attendue. Cet épisode final résonne ainsi comme un hommage, mais ne gagne pas son pari sur tous les points. Il manque de personnalité dans sa structure, faute d’un débutant que l’on pourrait encourager si la saga avait encore de l’avenir dans le studio. Assumé ses erreurs auront beau apaisé la conscience de Kinberg et son équipe, mais ce ne sera pas le cas pour les spectateurs qui espèrent un bouquet final satisfaisant.
Sans compter l’adaptation des comics, ce film avance trop vite et ne prend pas la peine de développer ses protagonistes clé. On se permet même de nous donner accès aux enjeux et aux causes qui doivent booster l’intrigue, or ce ne sera pas le cas. Moins épique, moins métaphorique et moins cohérent, ce volet n’était pas prêt à voir le jour. On n’y trouve pas la maturité nécessaire pour développer la dramaturgie, piétinant sans cesse entre le divertissement standard et les prises de risques. Avec un casting de qualité, le script ou la mise en scène ne servent jamais assez les personnages afin qu’ils prennent leur envol ou leur indépendance. Tout se joue sur la performance de Sophie Turner en une Jean Grey, torturée par son passé et sa peur de ne pas comprendre l’étendue de ses nouveaux pouvoirs. Il y a donc une quête identitaire qui la confronte à une morale moins croustillante que prévu, mais à aucun moment, nous ne pourrions l’identifier à la menace annoncée. Le personnage n’est pas crédible et ne possède pas de background efficace sur ses relations avec les mutants de Xavier.
La présence de Jessica Chastain est donc justifiée pour accompagner ce personnage, incapable de se reconstruire, mais elle ne se montrera pas plus efficace pour autant. Elle apparaît comme un cheveu sur la soupe, un cheveu qu’on se débarrasse rapidement et qu’on oublie. Et ce n’est pas la seule à hériter de ce blâme. Côtés anciens, on pourra avoir un peu d’espoir dans le dilemme de Charles, car il est dorénavant controversé pour sa démarche antifamiliale. Et lorsque ce pseudo Martin Luther King rencontre son collègue Malcolm X, en la personne de Lehnsherr, il y a une bonne affinité, notamment grâce à la nostalgie, car il n’y a pas un réel engouement dans les échanges. Mais cela sera possible qu’après un long premier acte. Sinon, c’est place à la violence, chorégraphié afin de mettre en valeur les pouvoir plutôt que des personnages pour qui l’empathie n’est pas toujours de leur côté. Il s’agit d'une piètre démonstration de force, là où l’on aurait pu créer une chimère entre la psyché du mutant et ses capacités.
Si le rachat de la Twentieth Century Fox a bouleversé la réalisation de ce film, la qualité ne devrait pas en pâtir pour autant. « X-Men : Dark Phoenix » pouvait être vu comme le soin d’une brèche, laissée par l’Affrontement Final, mais c’est finalement le contraire qui se produit. Elle entrave encore plus ses tentatives de voir renaître son identité et sur le coup, la métaphore est bien adaptée. Simon Kinberg a toujours l’âme d’un producteur, même derrière la caméra et sa mise en scène se veut plus frontal que prévu. Il va à l’essentiel et ne tire pas les scènes en longueur, là où elles devraient l’être. Pourtant, on cherche à nuancer la nature humaine, toujours en présence d’un accident. Il faut croire qu’à force de s’en inspirer, cette conclusion finit par adopter ses traits les plus visibles.