Que peut-il y avoir de commun entre Rose, une enfant de 1927, et Ben, un garçon vivant 50 ans plus tard en 1977 ? Pour commencer, tous deux souffrent de la même infirmité, la surdité, la fillette parce qu’elle est née ainsi, le garçon parce qu’un accident lui a fait perdre l’ouïe. Tous deux rêvent aussi d’étoiles, Rose se focalisant sur une star du cinéma qui n’est autre que sa mère, Ben ayant le regard attiré vers le ciel constellé d’étoiles (« nous sommes tous dans le même caniveau, mais certains d’entre nous regardent les étoiles », nous rappelle une citation d’Oscar Wilde au début du film). Or, pour aller vers leurs étoiles, les deux enfants doivent échapper à la grisaille de leur quotidien : Rose veut se libérer de son univers d’enfant mal-aimée, Ben (qui a perdu sa mère) espère trouver trace de son père qu’il ne connaît pas.
Commencent donc deux aventures qui sont aussi deux fugues de deux enfants à New-York, côté Manhattan pour la fillette et côté Queens pour le garçon. Deux univers, deux époques, celle de 1927 qui donne l’occasion à Todd Haynes d’un vibrant hommage au cinéma muet (avec une séquence qui semble tout droit venue du « Vent », un film de Victor Sjöström de 1928) et celle de 1977, totalement différente, et pas seulement parce que la première est tournée en noir et blanc et la deuxième en couleurs. Or, malgré les années qui les séparent, les destinées des deux enfants se croisent : leur errance et leur quête les conduisent à des musées remplis de merveilles et même, comme surgi d’on ne sait où, à un cabinet de curiosités.
Il peut paraître étrange que Todd Haynes, qui s’est illustré jusqu’ici tout spécialement en tournant des mélodrames (« Loin du Paradis » en 2002 et le somptueux « Carol » en 2016), ait choisi d’adapter à l’écran un roman pour la jeunesse de Brian Selznick. Il faut croire cependant que ce genre aussi lui convient, car ce film est parfaitement réalisé et l’on perçoit sans peine combien le réalisateur a su s’approprier une histoire un peu abracadabrante en lui conférant une intense crédibilité. Il est impressionnant de voir avec quelle maîtrise le cinéaste a su mettre en scène deux récits parallèles vécus par des enfants sourds. Et l’on a bien le sentiment, tout au long du film, de ressentir la même difficulté et les mêmes épreuves que les deux petits protagonistes. Quant aux merveilles annoncées par le titre, elles surgissent de mille manières jusqu’à culminer au beau milieu d’une maquette géante de New-York puis, enfin, à la faveur d’une obscurité inattendue, avec l’apparition d’un fascinant ciel étoilé.