Je suis étonné que Stephen King ait validé le projet, car le film prend autant de libertés vis à vis du livre Doctor Sleep, que l'adaptation de Shining par Kubrick à l'époque, et tout le monde sait que Stephen King n'a pas apprécié la façon dont Shining avait été adapté par Kubrick. Le problème étant que Mike Flanagan n'est pas Kubrick, ils n'ont clairement pas le même talent, malgré ce que certains en disent, et là où les libertés prises par Kubrick ne desservaient jamais son adaptation de Shining, qui reste, à mes yeux, le meilleur film fantastique / horreur encore à ce jour (et qui était soit dit en passant bien meilleur que l'adaptation de Mick Garris sous la tutelle de Stephen King), cette adaptation de Docteur Sleep par Mike Flanagan souffre un peu des libertés prises à l'égard du livre.
Bon, il faut savoir que je n'ai pas apprécié le livre plus que ça, mais il y a au moins deux points scénaristiques qui me paraissaient essentiels à inclure dans le film, et que le réalisateur a simplement décidé de passer à la trappe, à savoir :
- La relation familiale entre Dan et la mère d'Abra. Dans le film, Abra l'appelle "oncle Dan" mais le lien n'est jamais expliqué. Ca peut paraître anecdotique dit comme ça, mais dans le livre, c'est sur ce plot qui n'arrive qu'en fin de bouquin, que repose une partie de l'intrigue. Si le lien est si fort entre Dan et Abra, c'est parce qu'ils sont véritablement de proches parents (Abra est véritablement sa nièce). Mais à la limite, c'est pas si important, le film reste cohérent malgré l'absence d'explication.
- Mais LE point essentiel qui me paraissait indispensable d'aborder dans le film, et dont j'étais sûr que le réal allait faire le choix délibéré de faire l'impasse là-dessus car ça desservait son agenda politique, connaissant le bonhomme (car c'est dans l'ère du temps de blâmer l'homme blanc de plus de 50 ans et Mike Flanagan me semble être dans cette mouvance), c'est la thématique de la rédemption du père. A la fin du livre Doctor Sleep, Jack Torrance sauve son fils des griffes de Rose, et les deux se disent adieu dans une scène assez émouvante. On comprend alors symboliquement que Dan pardonne à son père (or dans le film, c'est à la mère qu'il dit adieu, ce qui prend un tout autre sens). Il n'y a donc aucun pardon entre Dan et Jack, et Jack ne connaît finalement pas de rédemption. La fin du film est d'une tristesse absolue en fin de compte.
Maintenant, si je dois juger le film sur ses qualités intrinsèques sans passer par le prisme du lecteur, ben il est pas si mal en fin de compte, peut-être meilleur que le livre sur certains points (différents des points évoqués en spoiler évidemment), et j'ai plutôt passé un bon moment, mais je donne au film une note maximale de 3,5, pas plus. La réalisation est plutôt bonne, sans être extraordinaire, il y a quelques idées de plans plutôt sympas, et les acteurs sont bons, mention spéciale à Ewan McGregor que j'apprécie toujours autant après toutes ces années, mais ce film est quand même un peu une fraude, dans la mesure où l'essentiel des séquences véritablement horrifiques et dont l'ambiance s'avère vraiment pesante, sont des repompages assez éhontées du film de Kubrick, sous couvert d'hommage.
Ce Docteur Sleep n'apporte pas grand chose ni d'intéressant, ni de novateur. Est-ce un digne successeur du Shining de Kubrick ? Absolument pas. Car ce Docteur Sleep, même en s'émancipant du livre, ne prend finalement aucun vrai risque. Et même l'hommage est bancal.
A titre d'exemple, il y a un film sorti récemment, qui se voulait à la fois hommage et relecture d'un classique de l'horreur des années 70. Je parle bien évidemment du remake du Suspiria de Dario Argento par Lucas Guadagnino. Ce film a fait un tollé, aussi bien côté presse que spectateur et même si le film a ses défauts, je préfère de loin, de très très loin même, la prise de risque encouru par ce film, que ce Docteur Sleep qui est finalement très convenu et décevant, au regard de ce qu'il aurait pu être.
Bref, le film n'est pas mauvais, mais j'ai quand même un goût amer dans la bouche.
3,5/5