C'était la première fois que je voyais un film de, ou même avec Buster Keaton. Et j'ai été bluffé. Non seulement, j'ai été comme la grande majorité de cinéphiles scié par son sens du comique. Mais j'ai découvert dans ce film une vraie profondeur, alors que je ne m'attendais "qu'à" un très bon film muet, comme Chaplin, Lloyd, et les autres avaient l'habitude d'en faire. Pourtant, le film commence par 15 minutes assez brouillonnes, pas franchement hilarantes. Je dirais même que je les ai trouvées assez longues. Mais après ça, quel bonheur! Finalement, ces premières minutes qui n'étaient pas aussi réjouissantes que je l'espérais, n'étaient qu'une simple mise en place. Car après, le rythme s'intensifie, les gags se suivent de manière plus fréquente, et sont également plus efficaces. Et puis, même en étant muet, ce film agit comme une musique joviale: c'est extrêmement détendant, dans ce monde où tout va vite. Côté mise en scène, c'est du costaud. Je retiens notamment des travellings superbes, des cascades assez impressionnantes, et également un excellent jeu de comédiens pour la majorité des acteurs. Et pour la fin, il n'y a pas grand chose à dire, si ce n'est qu'elle est divine de finesse et de fraicheur. Et enfin (surtout), il y a le montage. Certains trucages sont tout simplement hallucinants, les fondus sont judicieusement faits... Bref, du grand art, chapeau.
Mais là où le film m'a le plus touché, c'est dans sa vision du rêve. En effet, le héros à partir d'un moment commence à dormir, se dédouble et transforme sa vision de la réalité pour la vivre telle qu'il l'aimerait. Il s'incruste notamment dans un écran de cinéma (Woody Allen, dans son hommage aux films des années 30, "La rose pourpre du Caire", s'en est certainement un peu inspiré), vit mille aventures folles, où toute forme de vraisemblance est négligée. Et ça ne rend le tout que plus poétique.
Tout est possible avec le cinéma, c'est que semble dire Keaton à travers ce "Sherlock Jr.", dans cette brillante mise en abîme. Et moi, je pense comme lui: le septième art est bel et bien un moyen d'échapper à la réalité, et de se construire un imaginaire merveilleux. Voir un film, c'est comme vivre un voyage fantastique. Et ce "Sherlock Jr." m'a emmené loin, comme dans un rêve. Plus qu'un bijou, une pure merveille.