La Mécanique de l'ombre s'inspire librement de plusieurs crises ou complots, avérés ou supposés, qui ont eu lieu en France ces trente dernières années : la crise des otages du Liban dans les années 80, les carnets de Takieddine ou encore plus globalement le soupçon d’instrumentalisation des services secrets à des fins politiques qui flotte dans l’actualité du pays.
Passionné par la thématique de l'espionnage, Thomas Kruithof voit ce genre très cinématographique comme permettant de parler de l’état du monde et des coulisses du pouvoir. "Vu la période de tension politique et géopolitique que nous vivons, et les questions et les peurs que nous avons tous, j’imagine que, comme durant la Guerre Froide, l’espionnage va revenir en force au cinéma, à la télévision, et en littérature", note le metteur en scène.
Pour incarner Duval, François Cluzet s'est inspiré du "Pigeon", un roman de Patrick Suskind racontant l'histoire d’un guichetier de banque à la vie très rangée. Un matin, un pigeon est parvenu à s'introduire dans sa chambre, le confrontant petit à petit à sa solitude.
Thomas Kruithof, qui réalise son premier long métrage après le court Rétention, avait envie de faire un film centré sur le parcours d'un employé parfait plongeant dans le monde souterrain des services secrets et des réseaux politiques. Le metteur en scène explique :
"Je voulais montrer un monde opaque à travers le regard d’un subalterne, tout en bas de l’échelle d’une organisation dont il ne connaît pas la finalité. À l’origine, j’ai eu l’idée que le personnage principal effectue le travail d’espionnage le plus laborieux que je puisse imaginer. Ses tâches sont encadrées par des règles de sécurité proches de l’absurde. Il fait son travail sans se poser de questions. Quand, tout d’un coup, les événements prennent une nouvelle tournure, il va longtemps baisser la tête."
Thomas Kruithof a choisi François Cluzet pour se glisser dans la peau de Duval parce que, selon le réalisateur, l'acteur arrive parfaitement bien à retranscrire la part d’ombre d'un personnage tout en l'humanisant.
Le compositeur Grégoire Auger, qui avait collaboré avec Thomas Kruithof sur Rétention en 2013, a cherché à donner forme à une musique hypnotique qui suive le pouls du personnage principal et qui retranscrive le vertige progressif de ce dernier. Le cinéaste confie : "C’est un film où les motifs et les situations se répètent, où Duval plonge dans une spirale. Et on retrouve ça dans la musique de Grégoire, notamment à travers les vagues de flûtes et de violons qui reviennent de manière cyclique et inexorable tout au long du parcours du personnage."
Thomas Kruithof et son chef décorateur Thierry François ont fait en sorte que le film se passe de nos jours sans pour autant que le spectateur puisse le dater précisément. Ainsi, les deux hommes ont décidé d'épurer les décors au maximum en les débarrassant de marques et d’enseignes publicitaires familières.
Le travail que l'on demande au personnage de François Cluzet, celui de retranscrire des écoutes à l'aide d'une machine à écrire, est pour Thomas Kruithof le symbole d’un ouvrage laborieux proche de l'usine. Le cinéaste a aussi mis en parallèle cette activité avec l’idée d’un retour à l’analogique envisagé à cause du risque de piratage du numérique. Il confie :
"Cette question s’est vraiment posée quand l’affaire Snowden a révélé l’ampleur de la surveillance de la NSA. On a même rapporté à l’époque que le FSB – les services secrets russes – avait décidé de s’équiper à nouveau de machines à écrire et de nombreux gouvernements espionnés par la NSA ont également pensé à revenir à des communications 100% papier et à des moyens primitifs pour mieux se protéger."