Le premier film de Thomas Kruithof, également auteur du scénario, est très ambitieux pour un coup d’essai, a fortiori quand il s’agit d’emprunter les codes du genre, le thriller d’espionnage en l’occurrence. Duval est toujours au chômage, deux ans après un « burn-out » qui l’a mis à genoux. Membre des Alcooliques Anonymes, il y fait la rencontre de Sara, une femme fragile à laquelle il s’attache. Un jour, il est contacté par un homme d’affaire énigmatique qui lui propose un job simple en apparence et bien payé : retranscrire à la machine des écoutes téléphoniques. Financièrement vulnérable, il accepte la mission sans trop se poser de questions. Mais très vite, effrayé par le contenu des bandes, il se rétracte. Trop tard. Il en sait déjà trop… Cette immersion dans le monde opaque et souterrain des services secrets est diablement efficace. On devine à quel point cet imbroglio géopolitique a pris sa source dans des affaires loin d’être fantasmées et ne sort pas complètement de l’imagination de Kruithof. C’est d’ailleurs ce qui contribue à rendre le film aussi glaçant. Manipulation, obsession du secret, paranoïa, infiltration, menace, les coulisses du système et du pouvoir font peur à voir en même temps qu’elles captivent. Mais ce qui fascine encore plus, c’est la performance tout en intériorité de François Cluzet, extraordinaire en employé solitaire, fébrile, taiseux et obéissant jusqu’à un certain point. Denis Podalydès est également fantastique dans un total contre-emploi. La mise en scène impressionne par l’attention portée aux décors (étouffants, gris, austères, confinés), à la musique de Grégoire Auger (subtilement flippante) et au rythme de l’image (des plans fixes, des inserts millimétrés). Les amateurs de suspens vont adorer. Les autres aussi.