Qu’Alad’2 soit un mauvais film n’est pas ce qui heurte le plus. Non, ce qui surprend et interroge, c’est qu’il soit devenu pour bon nombre de critiques amateurs un déversoir de haine et de mépris, convaincus de tenir là l’Infâme à écraser et le cinéma à restaurer. Quel leurre ! Car qu’attendre de la suite des Nouvelles Aventures d’Aladin, sinon une prolongation de ce qui a autrefois été entrepris ? un défilé de célébrités venues faire un petit coucou, une défilade de sketchs parfois réussis parfois ratés, une autodérision qui finit par lasser mais qui indique – avec suffisamment d’insistance, comme ces signaux lumineux sur le bord de la route qui invitent l’automobiliste à réduire sa vitesse ou à passer son chemin – qu’Alad’2 ne doit pas être pris au sérieux. Et le grand paradoxe que suscite le film réside tout entier dans le statut d’interdit qu’il a conquis malgré lui, dans cette aura qui lui confère une autorité certes négative, mais une autorité quand même. Au lieu de disparaître, Alad’2 devient éternel, il grave la mémoire du cinéma français (à gros budget), il s’affirme telle la pierre de touche à partir de laquelle se construit et se situe une communauté de cinéphiles et de spectateurs. Problème. En transformant une production-repoussoir en objet diabolique, donc mythique, on en oublie de véritablement évaluer le film : la tendance est à l’étiquetage automatique des marchandises, et la critique semble céder sa place à cette culture de la réaction qui enferme une œuvre dans l’outrance aveugle, à la manière de l’empereur jugeant un combat en levant ou en baissant le pouce. Alad’2 est un mauvais film parce qu’il est – tout simplement – dépourvu de scénario et de mise en scène : il suffit de voir l’arrivée de l’antagoniste principal pour souffrir de dialogues hasardeux et d’un cadrage approximatif qui tue dans l’œuf la puissance des images (si puissance il pouvait y avoir). Trop basse ou trop haute, la caméra échoue à dire quelque chose, échoue à signifier l’envergure du personnage, échoue à incarner le récit et ses enjeux qu’elle se contente platement d’illustrer. Quant au récit justement, il se cantonne à une succession de prestations comiques ; l’espace de jeu devient celui d’un one man show, et se suivent et se ressemblent des comédiens doués mais ici en roue libre. Le montage suture comme il le peut ces sketchs et tente de se servir de l’éclatement spatial et temporel comme d’un faire-valoir dramatique. Reste que certains échanges comiques fonctionnent et que les seconds rôles assurent le spectacle : voir Gérard Depardieu en Christophe Colomb fait rire, tout comme Isabelle Nanty en standardiste du service après-vente pour génies défectueux. Bourré de bêtises jusqu’à plus soif, Alad’2 respecte son pacte régressif et se résume intégralement dans le conseil que donne à Kev Adams l’hôtesse de l’air : « détendez-vous, racontez-moi n’importe quoi ». Aucun piège là-dedans ; au contraire, une franche honnêteté ! La clausule sous forme de chanson débile achève le ridicule de l’entreprise qu’il est inutile de chercher à intellectualiser, tant cette intellectualisation serait incongrue voire trahirait – et trahit déjà – « l’empressement de montrer de l’esprit, qui est la plus sûre manière de n’en point avoir ».