On se souvient de la rocambolesque remise de l’Oscar du Meilleur Film qu’a reçu ce long-métrage, preuve si l’en fallait une que la surprise de son élection a été totale. Il faut dire que ce dernier est très, très inhabituel dans la production américaine de films, y compris dans la catégorie des œuvres indépendantes. Un film où tous les personnages sont noirs, et où le personnage principal est en outre homosexuel, voilà une recette qui n’était pas faite pour triompher auprès d’une académie majoritairement blanche, masculine et hétérosexuelle. Pourtant, personnellement je ne l’ai pas trouvé si emballant que cela. Je l’ai beaucoup aimé, mais je n’ai pas pour autant pas été plus touché par ce que j’ai vu que cela. En fait, ce qui m’a dérangé c’est surtout la masse de non-dits qui parcourent le film, particulièrement le mutisme du personnage principal Chiron. Ça été compliqué, pour moi, d’être en empathie avec quelqu’un d’aussi incapable d’exprimer, plus que ses émotions, une communication avec les autres. Résultat, on perçoit bien sa souffrance, en tant qu’enfant élevé par une mère toxicomane qui se débat face à des enfants qui le rejettent sans qu’il sache pourquoi d’abord, puis avec des désirs qu’il ne peut ni exprimer, si surtout concrétiser, mais on regarde tout cela avec beaucoup de détachement, sans jamais entrer dans son univers. Ce mouvement perpétuel où tout le monde tourne autour du pot sans jamais (sauf à la toute fin) expliciter ce qui est le centre du film, à savoir la difficulté d’être gay quand on est noir et pauvre aux USA, finit par laisser le spectateur se détacher du destin de ce jeune homme. Alors, le film n’est pas sans intérêt, loin de là. D’abord, un film oscarisé sur un sujet si peu grand public avec que des acteurs noirs, c’est suffisamment rare pour être salué. Ensuite, la mise en scène et la beauté des images sont quand même de grande qualité. L’ensemble donne donc un film qui n’est pas prévisible et qui nous change des productions stéréotypées hollywoodiennes, rien que pour cela il faut vraiment un coup d’œil de la part d’un grand public pour qui, après tout, ces thématiques sont inhabituelles. Faites vous dont votre idée.