L’année 2017 commence fort. Si fort que je doute qu’elle puisse faire mieux dans les 11 mois qui viennent. « Moonlight » autorise les superlatifs. Eux qui sont habituellement interdits pour qualifier un film, je veux les appeler tous pour porter « Moonlight » au firmament du cinéma et convaincre les 20 millions de personnes qui s’étaient ruées sur « Intouchables » d’aller voir ce film, déjà primé par les Golden Globes, et auquel je donnerais volontiers d’autres prix. On ne peut pas savoir, quand on entre dans la salle n°1 du MK2 Beaubourg, que l’on s’apprête à vivre une expérience aussi riche sur le plan esthétique et sur le plan émotionnel. Chaque plan arrive comme un cadeau idéal, celui qui déjoue les anticipations, celui qui contient des vacances à Bali alors qu’on s’attendait à un livre. Nos yeux s’écarquillent, notre cœur bat, nos yeux se trempent de larmes. « Moonlight » est un film total, un château majestueux dans lequel on se sent merveilleusement bien. Il a la force et le raffinement des films de James Gray. Rien n’y est habituel, alors que certains personnages sont indéniablement archétypaux. Mais alors que les préjugés que nous avons sur la condition de chacun les condamne de manière définitive dans le cinéma habituel, le cinéma des investisseurs, Barry Jenkins propose d’autres traits, d’autres pensées, d’autres regards. Il nous invite à purifier notre imagination et à ouvrir à nouveau les yeux sur ce que nous croyons savoir mais ne connaissons pas. Il nous emmène derrière les murs, derrière les apparences, où la haine, le silence, la violence disent des choses que nous n’entendons pas immédiatement. Il nous invite à regarder mieux, à tendre l’oreille, et à aimer. Ses acteurs sont magnifiques, et leurs regards, leurs sourires, leurs voix sont d’une rare puissance. Je songe tout à coup au classement des 10 films que j’ai préférés en 2016, et je m’aperçois qu’aucun d’eux n’a la force de « Moonlight ». C’est du très grand cinéma, celui qui reste et qui fait espérer dans l’avenir de cet art menacé par les marchands. Le 7e art a donc un nouveau héros et un nouveau chef-d’œuvre. L’espoir est permis.