Film événement de l'année 2016 aux Etats-Unis, Moonlight s'est imposé, aux côtés de Manchester by the Sea (sorti lui aussi en 2016) comme le nouvel étendard du cinéma indé américain, redessinant ainsi sa carte et son territoire (Les deux films traitent de personnages liés à leur communauté dans un décor très démarqué climatiquement- Miami pour Moonlight et Manchester-by-the-sea pour l'autre).
C'est intéressant de voir que deux des films les plus importants de l'année aux USA (aux côtés de La La Land) soient des films indépendants, comme si ce cinéma minoritaire regagnait de l'importance face aux Blockbuster d'Hollywood, de plus en plus épuisés (et épuisants). De plus, ni Manchester by the Sea ni Moonlight ne sont de véritables films d'auteurs car leurs réalisateurs sont jusqu'ici inconnus du grand public, ni même du petit. Le réalisateur de Moonlight, Barry Jenkins, n'a en effet qu'un seul long métrage à son actif, qui n'a en plus jamais dépassé les frontières US. Jenkins se pose cependant comme un cas intéressant du cinéma contemporain. Lors d'une récente interview, il a évoqué ses deux influences majeurs, le hong-kongais Wong Kar-Wai et surtout la française Claire Denis. C'est en y repensant qu'on remarque l'importance des influences sur le film de son réalisateur, particulièrement dans les choix photographiques.
Moonlight est tout d'abord un récit, partagé en trois chapitres, suivant très schématiquement (Enfance-Adolescence-Age adulte) l'évolution d'un personnage se révélant peu à peu homosexuel. Cette homosexualité se révèle cependant problématique car le personnage grandit dans un ghetto noir-américain où le traffic de drogue règne.
Malgré cette pesante idée d'origine, le film est d'une étonnante pudeur, détonant complètement par rapport au cinéma américain. C'est à ce moment que l'inspiration de Wong Kar-Wai se fait particulièrement sentir, dans cette façon dont les personnages se regardent, se frôlent et se touchent. Car le principal thème du film est le regard de l'autre, l'affrontement du regard (d'où le dernier plan du film, ce regard caméra désarmant) et l'affrontement des corps. Pourtant, ce thème est traité de manière douce, jamais avec brutalité, comme par exemple le très long travelling circulaire au début de film. La mise en scène cherche à embrasser les corps de ses acteurs noirs américains, leur sensualité. De plus, tous les acteurs (à l'exception de la chanteuse Janelle Monae, mais dont c'est le premier rôle au cinéma) sont inconnus du public. Ainsi, le film laisse une place à une importante forme réaliste, imprégnée de lyrisme grâce à sa lumière et sa douceur.
Cependant, si le film joue la carte de la pudeur et du non dit, il n'ose jamais s'affronter à une grandiloquence, une volonté romanesque, et se heurte presque à un manque d'ambition. Par moment, le film ne gagne aucune saveur à cause de sa peur d'affronter les événements, d'affronter l'excès. Si les trois parties du récit communiquent entre elles avec fluidité, on ne sent jamais une forme évolutive, le film ne prenant jamais de véritable ampleur.
Ce manque d'ampleur déçoit, quand on connait la réception critique du film dans le monde et surtout aux USA. On se demande ainsi si Moonlight n'est finalement pas qu'un film de l'air du temps, dans un pays rongé par les conservateurs, avec une addition combo (jusque ici jamais vu au cinéma) noir américain Homosexualité problèmes socio, traité avec réalisme.
Malgré tout, Barry Jenkins, avec ce premier film international, ne se pose pas comme un cinéaste majeur mais un futur cinéaste à suivre, qui aura, on l'espère beaucoup de choses à nous prouver et surtout à nous montrer.