Waouh ... La claque que je me suis prise par ce film, c'était violent !!! Moonlight m'a tout simplement envoûté.
Le long-métrage réalisé par Barry Jenkins est sortie début février. C'est une oeuvre que je souhaitais voir à tout prix et jusqu'ici je n'en avais pas eu l'occasion. Je dois dire que la distinction qui lui a été attribué aux Oscars 2017 m'a donné une raison supplémentaire d'aller le voir, je n'ai aucun regret.
Ce qui frappe au premier abord, c'est qu'il s'agit d’un film totalement différent des longs-métrages traditionnels qui possède un début, un déroulement et une fin. Là Il n’y a pas d'éléments déclencheur du récit, on suit l'histoire d'un jeune afro-américain homosexuel à 3 périodes de sa vie. C'est un film réaliste, il n'y a donc pas d'effets-spéciaux.
Nous avons affaire à un drame qui évoque la difficulté de se construire une identité dans un environnement hostile. Dès le début on y voit un enfant, Chiron (appelé aussi "Little", ou encore "Black") qui tente de chercher sa place dans le monde. Ce dernier à toujours autant de mal à se trouver durant son adolescence, et pense enfin l'avoir trouvé en étant adulte alors que paradoxalement, il essaie d'être quelqu'un d'autre. Pour quelle raison ? Afin de se créer une carapace et de suivre éventuellement les pas de son père de substitution.
La réalisation de Barry Jenkins est incroyable ! Le réalisateur nous offre des plans séquences stupéfiants et place parfois sa caméra à des endroits vraiment improbables pour filmer mais le rendu est excellent. J'ai remarqué un certain nombre de plans séquences en travelling. Les mouvements de caméra sont assez surprenants par moment mais tout cela permet aux spectateurs d'être immergés dans cette réalité, pas toujours facile. Jenkins favorise beaucoup la caméra épaule, nous donnant l'impression que nous sommes, nous aussi, un personnage à part entière de l'histoire. De par les différents procédés filmographiques (notamment les gros plans), je me suis senti très proche des protagonistes ce qui m'a permis d'être davantage touché par ce récit. Il est clair que le film n'est pas formaté "Hollywood", les producteurs n'avaient pas la main mise sur le montage, ni sur la réalisation et ça se sent. De ce fait, Barry Jenkins a eu une liberté totale de réalisation, le film paraît donc sincère et réel.
Le grain de la photographie apporte un côté 80's. Je ne sais pas vraiment à quelle période le film se déroule, ce n'est pas explicitement précisé du coup, je dirai qu'il se situe aux alentours des années 80 ou 90, bien qu'il paraisse être intemporel. J'ai vraiment eu un gros coup de cœur pour la photographie qui est fabuleuse. Je ne sais pas si le film a été tourné en numérique mais l'effet rendu me donne plus l'impression qu'il a été tourné en pellicule (je me trompe peut-être ...). J'ai donc eu l'impression d'être au cœur des années 80.
Le casting est excellent, je n'ai pas d'autres mots. Les acteurs, quels qu'ils soient, nous prennent aux tripes. Les 3 versions de Chiron sont très bien trouvées. Il y a une évolution constante et logique de son enfance jusqu'au passage à l'âge adulte.
Il faut savoir que Barry Jenkins ne souhaitait pas que les acteurs choisis se croisent sur le plateau afin qu'ils n'y ait aucunes influences. Le réalisateur voulait vraiment que chacun des 3 acteurs livrent leurs propres interprétations du rôle. L'Oscar du meilleur acteur dans un second rôle décerné à Mahershala Ali est totalement mérité même si je m'attendais à un temps de présence à l'écran plus conséquent. Néanmoins, pour le peu qu'on le voit, l'acteur de 43 ans crève l'écran, il n'y a pas à dire.
L'idée que le film se déroule à 3 périodes différentes est épatante. Ce n'est pas quelque chose de courant, tout comme avoir un personnage incarné par 3 acteurs différents au sein d'un même film. C'est une idée pour le moins originale et plutôt bien menée. Les coupes qui sont faites pour passer d'une période à l'autre peuvent sembler brutale, mais elles sont avant tout logiques.
Pour vraiment apprécier cette oeuvre cinématographique, il faut partir du postulat que tout est dans les "non-dit" et les expressions corporelles. Ce n'est pas un film de dialogue, ce qui est d'ailleurs cohérent avec le personnage principal.
Détail qui m'a paru surprenant au départ c'est qu'il n'y a aucun blanc dans le film. Mais c'est un choix logique. À mon sens, il s'agit d'un parti pris du réalisateur et ce, afin que l'on soit vraiment plongé dans le quotidien des afro-américains.
Ici il ne s'agit pas QUE de raconter l'histoire d'untel qui a vécu telle histoire ... il s'agit avant tout de raconter l'histoire d'un homme qui pourrait être n'importe lequel d'entre nous. Peu importe notre couleur de peau, n'importe qui peut se sentir touché par cette histoire. D'ailleurs, n'importe lequel d'entre nous pourrait être à sa place.
Ne nous voilons pas la face, être noir n'est pas une "situation" facile de part les discriminations, le racisme et consort. Idem lorsque l'on est gay qui, à l'heure actuelle, n'est pas accepté par tous. Alors imaginez l'histoire de cet homme, vivant dans un quartier difficile de Miami (à Liberty City il me semble), en essayant de cacher sa sexualité qu'il a peur de révéler. Effectivement, Chiron est complexé par son homosexualité et a du mal à vivre avec. Ce qui est, bien sûr, compréhensible. De ce fait, on ne peut qu'être touché. Moonlight est rempli de subtilités, de sensibilités et avant tout, d'humanisme.
Ce qui va suivre relève en grande partie de ma subjectivité car je n'ai pas vu tous les films nommés aux Oscars dans la catégorie "Meilleur film" à part celui-ci et Tu ne tueras point, mais à mes yeux l'Oscar octroyé à ce film indépendant est justifié. Un tas d'éléments permettent à Moonlight de se distinguer de tous les films actuels et rien que pour cela, l'Oscar est mérité.
Cependant, je pense que si l'Académie a attribué cette distinction à ce film-ci en particulier, c'est avant tout pour des raisons politiques en guise de réponse à la polémique #OscarsSoWhite de l'an dernier. Toujours est-il que la récompense est méritée en vue de la qualité magistrale de ce long-métrage.
L'oeuvre de Jenkins prouve que le cinéma indépendant ne détruit pas l'industrie cinématographique mais qu'au contraire, il peut nous faire découvrir des histoires qui nous concerne. Prouve que le cinéma peut encore être engagé et qu'un film à petit budget peut remporter une distinction aussi prestigieuse que celle des Oscars.
En quelques mots, Moonlight est un film engagé, émouvant, réel, sincère et juste... Bref un chef d'oeuvre !