Une histoire Birmane est le premier film évoquant cet étonnant séjour du célèbre écrivain George Orwell en Birmanie. Le metteur en scène Alain Mazars nous en dit plus : "De George Orwell, on retient habituellement La ferme des animaux et 1984. On oublie très souvent qu’avant de devenir écrivain, il a été officier de police durant cinq années, au service de l’Empire colonial britannique en Birmanie. C’est un moment de sa vie dont on parle très peu parce que toutes les lettres qu’il a écrites à ses proches et ses amis durant cette période ont disparu. Le seul vrai témoignage qui reste de cette période est son premier roman : Une histoire birmane, inspiré de son vécu."
Le titre du film se réfère au premier roman d’Orwell (Une histoire birmane), mais il traite principalement de son dernier et plus célèbre roman, 1984 : "Ce film peut être vu comme une quête d’incarnations des personnages principaux de 1984 dans la réalité birmane actuelle : Winston (celui dont le crime est de tenir un journal intime), Julia (celle qui incarne un désir jamais soumis menaçant les fondements du dispositif totalitaire), O’Brien (le manipulateur qui met en application les directives du dispositif) et bien sûr le fameux Big Brother. Les entités représentées par ces quatre personnages sont comme les leitmotivs du fil conducteur de ce film. Mais ces personnages sont aussi reliés à ceux du premier roman d’Orwell, Flory et U Po Kyin…"
A la question de savoir si le film est un documentaire ou une fiction, Alain Mazars répond : "Pour Orwell, le totalitarisme qui guette tout système politique génère un monde fantomatique privé de relation avec le réel. Qu’il s’agisse d’écrire ou de filmer, l’enjeu est donc une quête du réel et sur le plan formel, il s’agit pour moi de la recherche d’une expression cinématographique capable de restituer poétiquement cette idée du réel d’Orwell. Pourquoi poétiquement ? Parce que l’approche poétique est pour moi l’expression de cette prédominance de l’intuition et de l’émotion qui caractérise Orwell et son message d’espoir dans l’humain en lutte avec la noirceur du monde. Voyage méditatif sur le passé colonial et les frayeurs de l’Occident actuel, ce film peut être vu comme une exploration onirique de l’introspection effectuée par Orwell, seul face à la mort alors qu’il écrit 1984, introspection en profondeur au cours de laquelle tout le vécu de ses cinq années passées en Birmanie remonte à la surface."
Le narrateur du film n’est pas George Orwell lui-même, mais sa réincarnation birmane, d'où le fait qu'Orwell parle en birman. En asie, cette idée de réincarnation est extrêmement prise au sérieux. Le metteur en scène a voulu rendre compte de cette « vision birmane », issue de l’inconscient collectif d’Asie du Sud-est, déroutante pour les Occidentaux. Le titre du film exprime ainsi également le point de vue birman du long métrage qu'Alain Mazars a voulu restituer :
"Il s’agit pour moi, dans chaque pays où je me trouve, de m’approcher de ce qui anime intérieurement ses habitants, ce que Jung appelle l’inconscient collectif. Après une période d’observation aussi attentive et respectueuse que possible, je me fixe pour objectif de tenter d’exprimer cinématographiquement cet inconscient tel que je le ressens. Mais je ne renie pas pour autant ma culture d’origine liée à mon identité française. Mon travail est aussi d’introduire mon propre imaginaire, qui est celui d’un Européen, dans ma perception du réel. Pourquoi les inconscients collectifs des cultures d’Asie et d’Occident ne pourraient-ils pas se rejoindre ? Mon désir de cinéma est celui-ci : stimuler l’imagination du spectateur vers des domaines inexplorés. C’est peut-être pourquoi mes premiers films n’étaient pas très éloignés du cinéma expérimental."
En mettant de côté le fait que la productrice et le réalisateur d'Une histoire Birmane sont français, le film peut être considéré comme le premier long métrage birman sortant en salles en France, dans la mesure où il est parlé en birman et exprime un point de vue essentiellement birman :
"Dans la plupart de mes films en Asie - documentaires ou fictions - le point de vue est celui des habitants du pays du tournage : successivement la Chine, le Laos et la Birmanie. Bien que je ne sois ni chinois, ni lao ou birman, j’ai décidé de voir les lieux où je tourne comme les personnages principaux de mes films. Mais j’ose espérer que ce film n’intéressera pas que les Birmans ou les spécialistes du Myanmar. Il a pour thème central cette dictature de la pensée dénoncée par 1984, ce roman dont tout le monde en Europe continue à parler parce que les résonances avec notre présent sont toujours aussi fortes. Même s’il s’exerce sous une autre forme qu’en Birmanie, ce BIG BROTHER imaginé par Orwell à propos de nos vies quotidiennes en Occident est dans tous les esprits", note Alain Mazars.