Un coup de chapeau à Fabien Marsaud (alias Grand Corps Malade) pour ce coup de projecteur sur son parcours de rééducation par lequel il met en lumière le microcosme que forment les handicapés, à leur corps défendant. Un coup de projecteur utile, s'il fait naître chez les valides ne serait-ce qu'une once d'empathie pour leurs frères humains à roulettes, à béquilles, à quoi ou à caisse.... Kinésithérapeute ayant passé la plus grande partie de ma carrière dans un centre pour enfants porteurs d'un handicap au moins moteur, retraité depuis peu (à cause de mon opposition à l'ordre des kinés, cette honte pour le métier...) j'ai revécu mes enthousiasmes de jeune professionnel en regardant progresser Ben, le tétra à qui la chance, mais aussi l'implication et la compétence de son kiné permettent une récupération jusqu'à l'autonomie. J'ai revécu mes impuissances en regardant les moins chanceux s'enliser dans leur dépendance, forcés de se contenter de petits riens voire de rien sans espoir de mieux, à mesure que le temps passe. "Patients" c'est longueur de temps, ce temps interminable qu'on "n'arrive jamais à niquer complètement" comme le dit Farid, le rusé copain de galère de Ben. Le film passe très vite mais rend compte ô combien de la longueur du temps quand on est dépendant, paradoxe qui prouve qu'il est réussi...
Tout n'est pas parfait : la question notamment des difficultés que représente la sexualité, pour des jeunes dont le contrôle sphinctérien est très compromis, est abordée (trop ?) sommairement. C'était difficile, je le reconnais. Elle est évoquée mais le grand public ne peut sortir avec des idées très claires sur ce sujet précis si on s'en tient à ce qui est dit dans le film, alors que le problème de la "vidange" des excréments est beaucoup plus clairement explicité. C'est un point qui compte, à mes yeux... Par ailleurs, le synopsis comporte à mon sens deux ou trois petites incohérences, un évènementiel parfois incompatible selon moi avec les capacités de l'un ou l'autre tétra, dont je ne peux parler sans dévoiler l'intrigue... Tout ceci n'est pas très grave, car l'esprit du film sauve tout. Tant de choses du quotidien d'un grand handicapé et des gens qui s'en occupent dans un centre spécialisé sont si justement rendues, si finement senties que ces petites imperfections sont noyées dans un bain de vérité, parfois poignante...
Il faut saluer la performance de tous les acteurs et la crédibilité de ceux qui jouent les tétras. J'en arrivais presque à me demander si Paulo Pauly (Ben) n'avait pas un réel problème, je cherchais à reconnaître les fontes musculaires sur ses épaules, ses mains ou ses mollets dans les séquences le montrant à la douche...
Quant à l'humour noir qui permet de tant supporter, j'en ai été le témoin et je l'ai pratiqué quand je bossais. Je l'ai reconnu ici tel que je l'ai connu il n'y a pas si longtemps...
L'esprit du film sauve tout, disais-je. Chez les handicapés comme chez les valides, on trouve des cons, des flèches, des optimistes et des défaitistes, c'est Farid qui le dit très justement à la fin du film. L'esprit de Fabien-grand-corps-malade, heureusement pour lui, était affûté et n'a rien perdu de ses qualités au moment de son accident. Son esprit est agile. Son état d'esprit c'est l'amour. Et ça sauve tout. Bravo et merci.