Fabien Marsaud a grandi en Seine-Saint-Denis. Jeune basketteur prometteur, il a joué pendant des années dans les clubs de Saint Denis et Nanterre avant de se frotter à la Nationale 3 sous le maillot d'Aubervilliers. Malheureusement, il vit son monde basculé le jour où, dans une colonie de vacances qu’il anime, il plonge dans une piscine dont le niveau d'eau est trop bas : vertèbres déplacées, il se retrouve paralysé et on lui annonce qu'il ne retrouvera jamais l'usage complet de son corps. Après une année de rééducation où il multiplia les efforts sans compter, il parvint à se réhausser sur ses jambes et se mit à parler de son expérience à travers des petits textes semi-chantés. C'est ainsi qu'il devint le célèbre slammer Grand Corps Malade. Aujourd'hui, Fabien (ou plutôt GCM comme on l'appelle désormais) a décidé de partager une nouvelle fois cette expérience mais par le biais du 7ème art. Encore un film autobiographique sur le sujet grave des handicapés, me diriez-vous...et bin, oui et non : "Patients" n’est pas un drame au sujet glauque, il n’est pas un caprice nombriliste et autocentré, et encore moins une quelconque tentative de psychothérapie libératrice de la part de son auteur. Il s'agit plutôt d'une comédie dramatique aussi drôle que touchante, qui traite certes un sujet grave, mais qui ne recherche finalement qu'une seule chose : la lumière à travers les ténèbres. N'essayant jamais de nous plonger dans le pathos dépressif le plus conventionnel (comme l'aurait fait n'importe quel autre film français), GCM a voulu rendre hommage à ces jeunes qui sont devenus ses amis le temps de son séjour hospitalier ; en toute pudeur, il retranscrit honnêtement à l'écran leur volonté de se battre, la solidarité qui les unit dans l’épreuve de la tétraplégie : ils rient, ils s’entraident, ils se motivent, se soutiennent, s’aiment...mais ils ont surtout acquis quelque chose d'important qui est le plus difficile à maîtriser lorsqu'on est handicapé : la patience...car dans une telle situation, seule la patience peut entretenir l'espoir (d'ailleurs, l'expression « niquer les heures » revient souvent dans le récit et se révèle être d'une vérité absolue). Pas question de s'apitoyer sur son sort même si désormais on se retrouve assisté pour se laver, s’habiller, manger, se coucher, faire ses besoins ou même téléphoner : le destin a certes été cruel de nous voler notre vie, mais ils faut dorénavant apprendre à vivre autrement, comme un handicapé. C'est donc en toute sincérité que l'on va s'attacher très vite à ces jeunes protagonistes au triste destin, d'autant plus que le film s’appuie sur un casting de comédiens certes peu connus du grand public, mais très solides : ils crèvent tous littéralement l’écran et apportent beaucoup de fraîcheur et de sincérité. Pour un premier métrage, "Patients" est étonnant de maîtrise et réussit parfaitement à témoigner de la réalité du handicap et de la rééducation, tout en nous racontant une histoire de potes qui tente de se serrer les coudes dans l’adversité. C’est un film incroyablement humain qui traite sur un ton volontairement léger, afin de ne pas embourber le spectateur dans le pathos le plus méprisable, de thèmes rarement abordés au cinéma (le rapport au corps et à l’intimité, la gestion d’une nouvelle identité en tant qu'handicapé, la peur de sortir du centre et de retrouver l'extérieur, la douloureuse obligation de devoir renoncer à une partie de ses projets de vie) et ce, d'une façon extrêmement pudique. Un très beau moment de cinéma français qui est assez rare et qui, par conséquent, mérite d'être vu.