Attention, ceci est une critique remplie de superlatifs peut-être hyperbolisés, symptôme d'une séance de cinéma inoubliable qui eut lieu il y a trois ans déjà, en plein mois de septembre 2017. Alors que je n'étais pas cinéphile pour un sou, avec seulement une légère curiosité qui se mettait à grandir en moi, je me suis déplacé dans cette salle mythique qu'est le Max Linder pour voir Mother!. Une volonté qui n'était motivée ni par son réalisateur, dont je n'avais vu aucun film à l'époque, ni par son histoire à laquelle je ne m'étais pas tant intéressé. Tout ce qui me donnait envie était la présence à l'affiche de Jennifer Lawrence, jeune actrice qui m'a accompagnée durant toute ma petite adolescence avec ses rôles dans les franchises populaires que sont Hunger Games et X-Men.
Quelle ne fut pas ma surprise alors quand, après un petit peu plus de deux heures de film, je me retrouvais là, sur mon siège, submergé par la tension, subjugué par lce que je venais de voir, immobile, et les yeux grands ouverts.
Allégorie religieuse, Mother! embrasse les deux thèmes que l'on retrouvent le plus souvent chez Aronofsky, à savoir l'addiction et la religion, là où ses précédents se concentraient plus généralement sur l'un des deux (The Fountain pour la religion, et Requiem For a Dream et Black Swan pour l'addiction). Ce petit dernier sonne donc comme un cross-over ultime de son art. Et ce film justement, n'épargne personne, c'est d'une puissance incommensurable, c'est une expérience cinématographique immersive folle qui malmène son public autant que son personnage principal.
Ce personnage d'ailleurs, parlons-en. Une jeune femme folle amoureuse, aveuglée, et dévouée de tout son être à cet homme las, en perte d'inspiration. C'est aussi une jeune femme qui s'oublie et se noie presque dans ce trop plein d'amour, et c'est une dévotion marquée, peut-être un peu grossièrement, par la différence d'âge qui sépare le couple. Jennifer Lawrence y est délicate, gentille, un peu trop, elle est marquée par une certaine naïveté (en tout cas au début du film), tandis que Javier Bardem est massif, abîmé par la vie, harassé, et bien qu'il soit aimant envers sa femme, le couple nous apparaît très vite comme inégal. Et cette inégalité va s'accentuer de plus en plus puisque le réalisateur va "s'amuser" à cadrer la jeune femme en très gros plan. Ainsi nous sommes au plus près d'elle, et il ne la laisse jamais respirer, il l'étrangle de sa caméra alors que son mari et les autres personnages, eux, ont de la place, ils respirent.
Jennifer Lawrence y est autant magnifiée que bousculée, par des plans sublimes, l'isolant dans sa solitude évidente, dans cette grande maison qu'elle se donne tant de mal à embellir. "Elle a ramené la maison à la vie", cette maison c'est le but de la jeune femme, son projet, il lui appartient. Cette vie qu'elle a ramené à son habitation c'est elle, elle représente la vie par son âge, par sa jeunesse en comparaison à la décrépitude des autres, mais surtout pour la vie qui grandit dans son ventre.
Cette maison qui nous paraissait plutôt familière au début se transforme peu à peu en chaos labyrinthique, un réseau de pièce interminable dans lequel les personnages perturbants vont se suivre. Des personnages qui vont briser ce cocon familiale qu'elle essaie de construire tant bien que mal. Des personnages vieillis, à l'image de son mari (ce qui marque encore plus une frontière). Un Ed Harris maigre et exténué, puis une Michelle Pfeiffer aux allures de créatures lynchienne, élancée et hautaine, à côté d'une Jennifer Lawrence candide à la peau aussi lisse que de la porcelaine.
Puis vient le chaos, un chaos assourdissant, destructeur, criminel, un chaos dont on ne sort pas, dans lequel nous et le personnage sommes bloqués. Un final en crescendo qui laisse pantois, ébahi, sans voix face à la destruction de la vie, de celle qui la crée.
Darren Aronofsky signe un huis-clos sensationnel et travaillé, en y abordant différents thèmes au sein d'un couple qui représente le commencement et la fin, il parle du sentiment de création, de ce que ressent celui qui crée et de la prétention et le nombrilisme qui en découle.
Mother! est, je pense, une expérience à vivre. Elle est à l'origine de ma cinéphilie de part le sentiment qu'elle a crée en moi et le choc qu'elle continue de me procurer, ne serai-ce qu'à chaque scène qui me revient en tête. C'est pour ce sentiment que j'ai eu envie de découvrir de plus en plus de films, pour le retrouver. Et il n'y a aucun doute que depuis cette séance, très peu de films ont réussi à me procurer ce que Darren Aronofsky, ce que Jennifer Lawrence, et ce que Mother! m'ont procuré ce jour-là.