Quand on va voir un film de Darren Aronofsky, on sait à l'avance que les méninges seront mises à rudes épreuves, le réalisateur et scénariste étant fan de symbolisme, de métaphores et d'allégorie, comme dans "The Fountain" ou "Black Swan". "Mother!" n'échappe pas à la règle et en bonus a de nombreux degrés de lecture. Déjà, le fait qu'il y ait un point d'exclamation dans le titre du film indique que "Mother" désigne plus qu'une simple mère de famille,
c'est soit une déesse, soit une muse, soit la Mère nature, soit une femme égoïste, soit une femme folle, et on retrouve là tous les thèmes du film (religion, création artistique, écologie, politique, folie)
, et le choix de ne pas donner de prénom aux protagonistes confère une valeur universelle à l'histoire. Pour apprécier ce film, il faut s'attacher à comprendre ce que chaque détail représente
(qui sont les envahisseurs, le bébé, le couple initial, l'incendie, etc...)
par rapport à tel sujet. La force du film est d'avoir plusieurs explications pour tout,
les "invités" représentent soit des fanatiques religieux (des membres de sectes que Aronofsky dénonce), soit des fans transis de l'écrivain, soit la surpopulation qui détruit la nature, soit des migrants qui arrivent en masse, soit des incarnations d'un esprit dérangé (celui de la mother qui a plusieurs personnes dans se tête), alors que le bébé dévoré est tantôt le corps du christ, l'appropriation d'un livre par ses lecteurs, la richesse naturelle que l'on détruit immédiatement, le bébé non métis, l'obsession maternelle qui vire au cauchemar. Idem pour l'incendie, tantôt l'Apocalypse, tantôt la chute d'un écrivain, tantôt la mort de la planète, tantôt les guerres, tantôt la fin de l'esprit. Et cette fameuse graine (le coeur de la mother) n'est autre que l'illustration d'un nouveau cycle, d'une histoire qui se répète inéluctablement
Sur la forme, la photographie assez terne est rapidement oppressante, un sentiment renforcé par les montées sonores et les plans très serrés sur les individus, dévorant l'espace pour nous immerger dans les aventures bizarres de la première partie en forme de thriller psychologique. Le seul reproche que je pourrais faire ici, c'est que le cinéaste tombe un peu inutilement dans la surenchère horrifique
(le bébé bouffé)
pour nourrir son propos final. Du côté des acteurs, Jennifer Lawrence est bluffante dans ce qu'elle fait passer comme émotions et ressentis à l'écran, alors que Michèle Pfeiffer a une froideur glaçante. Ed Harris et Javier Bardem complètent ce casting solide dans un registre plus mystérieux. Au final, il faut quelques jours de réflexion pour saisir et digérer la richesse symbolique de cette oeuvre complexe, mais l'expérience est captivante et immersive.