Passé son Requiem for a dream, où le film en plus de ses qualités formelles immenses acquérait en même temps un statu de film culte (là où le terme avait encore un sens dans le 7ème art, avant qu’il ne soit dépouillé de son sens à force d’utilisation à tout va) tout comme une notoriété un peu film « tendance » du moment. Toujours est-il que passé cette claque, Darren Aronofsky n’a jamais pu convaincre autant l’ensemble de la critique et du public. Le brillantissime The Fountain (on vous laisse juge de l’objectivité de cette critique (sic)) laisse scinder les avis en j’adore/je déteste. Seuls les « plus sages », mais subtils, The Wrestler et Black Swan avait permis au metteur en scène de prouver toute l’étendu de son talent, puisque Noah, son précédent film, avait laissé pas mal de monde sur la terre ferme. A débattre.
Il revient donc avec Mother ! et évidemment le réalisateur n’est jamais là où on l’attend, un brin provocateur, prétentieux pour certains, mais qui finalement donne un sacré coup de pied au monde de l’art en général et qui l’inscrit de plus en plus au rang des réalisateurs les plus talentueux. Le problème de ce genre de film c’est la surenchère promotionnelle que subit collatéralement le film. Le vendre comme un thriller horrifique est une bonne idée, insister sur ça, vu le résultat, déroute les spectateurs. Mais pas tous. Le principe même du thriller est d’être bousculé et quand le réalisateur de Pi et Requiem for a dream se charge de l’écriture et de la mise en scène le résultat est immense, organique, physique et perturbant. Non, Darren Aronofsky ne prend pas les gens pour des pigeons, il donne les codes dès les 5 premières minutes du film (quelques indices ça et là) pour lire au mieux la carte à venir et préparer l’introspection intérieure de la maison comme de ses personnages. Tout en instaurant toujours le doute perpétuel de ce qui se déroule à l’écran. Jouer avec le spectateur et non se jouer de lui. En ça, la fin n’est pas un twist d’un petit malin mais la conclusion logique, chaotique et percutante de ce que le sous texte préparait pendant près d’une heure trente. Si on peut reprocher une nouvelle fois une consonance « biblique » dans sa filmographie (la croyance, fer de lance d’Aronofsky), toutes les allégories sont parsemées ça et là de manière exponentielle dans le film pour ne pas flouer le spectacle. Aronofsky ne cherche pas à perdre le spectateur mais à titiller ses sens, physiques, émotionnels, intellectuels, sans que ce dernier ne soit pris par la main comme c’est trop souvent le cas.
Mother ! est bien plus que le film espéré, attendu. Encore une fois Aronofsky livre un film que personne ne semble avoir déjà vu, contre toutes attentes, il ose, passe les frontières grâce à une mise en scène ciselée, épurée, une photo hallucinante de l’épatant Matthew Libatique (directeur photo qui sait tout faire…), un film où les cordes de violons (pincées) viennent trancher l’espace sonore pour accompagner un visuel perturbant et captivant. Une fois de plus, on aime ou on déteste, on peut sortir sans vraiment savoir quoi en penser mais forcément (hyper)percuté.