Le Chant du merle est dédié à René Féret. La raison ? Frédéric Pelle a été assistant du célèbre cinéaste et c'est ce dernier qui a produit son premier documentaire au milieu des années 90. "Il nous a énormément aidé. Je dis nous parce que j’ai écrit le film avec ma compagne, Orlanda Laforêt. Nous avons bataillé pendant plus de deux ans sur le scénario, et René est intervenu dans la dernière ligne droite, notamment sur les dialogues qu’il a vraiment vivifiés. Et comme le projet lui plaisait beaucoup, il s’est aussi immédiatement positionné comme distributeur. Il est décédé il y a quelques mois, et c’est son épouse Fabienne qui continue son travail, et sort notre film. Il a eu le temps", explique-t-il.
L’idée du film vient de la femme du cinéaste, Orlanda Laforêt, avec qui il a écrit le scénario, et de l’Hôtel de la Tour à Aubazine, un petit village de Corrèze où le tournage a eu lieu. Dans cet établissement où le couple se rendait régulièrement, il y avait une serveuse discrète et touchante qui s’était entichée d’un type un peu louche qui n'était pas du coin. Elle a dû quitter l'hôtel mais Frédéric Pelle et Orlanda Laforêt s'étaient attachés à elle et la seconde a ensuite dit au premier qu'il serait intéressant de se servir de cette personne comme point de départ d'un scénario.
Frédéric Pelle et Orlanda Laforêt ont écrit le scénario ensemble, à l'hôtel même qui a inspiré le film pour s'imprégner au mieux du lieu et des gens qui s'y trouvaient. A titre d'exemple, le vieux monsieur dont Aurélie s’occupe est inspiré du père du vrai chef de l’hôtel, aujourd’hui décédé mais que le couple d'artistes a bien connu.
Le metteur en scène a choisi de faire jouer plusieurs "vraies" personnes de l'hôtel. C'est le cas du serveur et du maître d’hôtel qui jouent leurs propres rôles : "Même si ce n’était pas un tournage documentaire, nous avions la volonté très précise d’inscrire la fiction dans un environnement réel, qui est la vie de cet hôtel et plus largement du village. Il n’était pas question de nous comporter autrement que comme des invités. Nous avons essayé de nous fondre dans le décor, ce qui n’était pas trop difficile vu que nous étions en équipe très réduite, neuf personnes sur le plateau ! Je crois pouvoir dire qu’il y a eu un véritable échange avec les habitants d’Aubazine."
Adélaïde Leroux a été choisie pour se glisser dans la peau d'Aurélie pour deux raisons. D'abord parce que la comédienne dans la réalité n'est pas si éloignée que ça de son personnage : il s'agit de quelqu'un de simple qui vit en province. Ensuite parce que Frédéric Pelle voulait une actrice qui ne soit pas trop démonstrative dans son jeu, ce personnage étant timide et fragile. Il commente :
"Aurélie attend qu’il se passe quelque chose, que sa vie change. C’est une romantique. Elle a en elle quelque chose de tragique, lié à son histoire personnelle, à l’absence de son père. Ce qui ne l’empêche pas de rêver à une autre vie, qu’elle entrevoit quand elle rencontre François. La seule fois où elle se laisse aller, c’est justement dans la scène où son amant lui fait essayer cette grande robe d’époque. Elle sort un peu d’elle même, elle se libère un instant mais elle en est tout de suite gênée, tellement c’est inhabituel : c’est ce genre de détail qui la rend bouleversante."
Nicolas Abraham, qui joue l’amant d’Aurélie, François, est un ami de longue date de Frédéric Pelle qui joue dans tous ses films. Il est inspiré d'un ami du réalisateur qui s’y entendait vraiment pour embobiner les gens. "Ce n’est pas un héros, mais pas un salaud non plus. C’est juste un représentant de commerce, tout le temps sur la route, et qui n’est pas le premier ni le dernier à avoir une aventure avec la serveuse de l’hôtel où il a l’habitude de descendre. Et puis il est réellement bien avec elle. Il se prend au jeu, va la surprendre à la sortie du travail… On devine que sa vie n’est pas enthousiasmante, et cette fille est là, on dirait qu’elle l’attend", explique le cinéaste.
Patrick D’Assumçao, qui joue le patron de l’hôtel, a été choisi après que Frédéric Pelle l'ait repéré au théâtre dans "Vol au-dessus d’un nid de coucou" et pour sa prestation dans L’inconnu du lac.
Frédéric Pelle ne fais jamais de casting, il choisit des comédiens parce qu'il les connait ou parce que quelqu'un lui a recommandé une personne.
Le film est très écrit mais, surtout avec les comédiens non-professionnels, il y avait une place pour l'improvisation. Ce fut par exemple le cas des deux séquences d’ornithologie qui étaient bien prévues mais auraient pu être beaucoup plus courtes : "L’ornithologue, dont c’est vraiment le métier, était tellement intéressant qu’on a laissé tourner beaucoup plus longtemps que prévu ! Et pour la séquence en extérieur, quand il a fait venir le coucou, c’était un véritable instant de magie. De vrais moments de vie comme ceux-là apportent une spontanéité et des respirations au film. De même avec Pierre Bouysset qui joue le vieil homme dont s’occupe Aurélie. Un plan muet de balade en forêt s’est transformé en un bel échange, très important dans leur relation à la fois complice et tendre. Et ce sont les mots de Pierre, ses propres réflexions sur la vie que l’on entend", d'après Frédéric Pelle.
Le film a été tourné en 23 jours à 80% dans le village, avec une petite équipe et un matériel léger. Frédéric Pelle se souvient : "Nous, tout notre matériel tenait dans une camionnette, et nous nous déplacions souvent à pied, quel bonheur ! Ce film-là était réalisable dans ces conditions, cohérentes avec l’économie raisonnable et modeste qui est celle du film."