Après le foutraque mais réussi ''Grand Budapest Hotel'', Wes Anderson revient avec un film d'animation en stop motion. Genre dont il avait déjà tâté avec ''Fantastic Mr. Fox'' en 2009. ''L'île aux chiens'' en plus d'un chaleureux accueil critique et public a reçu l'Ours d'argent du meilleur réalisateur. Accueil peut-être un peu trop excessif pour ce talentieux mais (un peu) surestimé Wes Anderson.
L'intrigue prend place dans un Japon futuriste. Face à la propagation d'une grippe canine, le maire de Megasaki, Kobayashi ordonne que les chiens soient bannis et exilés sur une île décharge. Six mois plus tard, Atari Kobayashi, le neveu et pupille du maire se rend secrètement sur l'île pour retrouver Spots, son chien garde du corps. Il va croiser sur sa route les chiens dociles Rex, King, Duke, Boss et un chien errant Chief. Ces derniers décident de lui venir en aide pour retrouver Spots.
C'est globalement un film qui plaira aux fans de Wes Anderson. On retrouve sa patte si particulière, l'humour si élégant et décalé qu'on voit assez peu aujourd'hui (et qu'on peut rapprocher de l'humour d'un... Luis Bunuel!). On retrouve aussi -et c'est le plus grand atout de cette ''îe aux chiens''- les dialogues absolument brillants d'Anderson qui, comme souvent, se paye le luxe d'un casting affolant (on aime les listes, donc en VO : Bryan Cranston, Edward Norton, Bill Muray, Jeff Goldblum, Bob Balaban, Liev Schreiber, Greta Gerwig, Frances McDormand, Scarlett Johansson, Harvey Keitel, F. Murray Abraham, Tilda Swinton et même Yoko Ono ; dans le genre name dropping, seul ''Avengers : Infinity War'' peut en 2018 rivaliser avec ''L'île aux chiens''!). Une chose toutefois, pourra surprendre : c'est à quel point ''L'île aux chiens'' est un film politique. C'est sans doute une première chez Wes Anderson. Il présente ainsi un Etat qui, sous couvert d'être une démocratie est en réalité une véritable dictature (le maire est élu avec un score aberrant, on laisse parler les personnalités hostiles au pouvoir pour mieux les assassiner par la suite... tout cela est proche de la Russie d'un Vladimir Poutine). De plus, la manière dont les chiens sont mis au ban de la société et exilés sur île décharge raisonne avec la situation actuelle. Celle des migrants qui avec l'émergence des nationalismes ont de moins en moins d'échappatoire. Cette impression est renforcée quand on connaît le court-métrage de Serge Avédikian ''Chienne d'histoire''. Dans ce film glaçant, l'histoire était très proche de celle de ''L'île aux chiens''. Les parallèles avec l'immigration étaient encore plus évidents avec ce film (qui avait reçu la Palme d'or du cout-métrage en 2009). ''l'île aux chiens'' bien que souvent léger cache un fond bien sombre, voire glauque. Plus sombre en tout cas que ne l'était ''Fantatic Mr. Fox''.
Mais des problèmes peuvent être relevés. D'abord la fin est beaucoup trop expédiée et classique (ce qui est gênant pour un auteur comme Wes Anderson qui est tout sauf classique). Mais le bémol ultime est le même que celui de ''Fantastic Mr. Fox''. Le gros problème de ces deux films, c'est sans conteste l'animation. On peut en effet rester de marbre devant le stop motion. L'animation propose en général au spectateur de pénétrer dans un univers totalement différent du nôtre. Et si l'esthétisme du stop motion est ''originale'', cette dernière ne permet nullement au spectateur de pénétrer dans l'univers proposé. L'animation doit créer des émotions inédites (qu'on ne trouverait pas dans un film avec des acteurs en chairs et en os) mais en nous faisant oublier qu'on est devant des dessins ou objets animés. Et le stop motion met en avant toute son artificialité. Il est donc délicat d'entrer dans ce monde car on voit davantage les composants des personnages que les personnages eux-mêmes. On sait et on sent tout du long que ce qu'on a sous les yeux est faux. Anderson, puisqu'il dit avoir voulu rendre hommage au cinéma nippon, aurait du adopter le style des films d'animation japonais (où la beauté des protagonistes favorise plus aisément l'entrée des spectateurs dans l'univers proposé).
Le talent certain de Wes Anderson et son fourmillement d'idées viennent se heurter à l'animation en stop motion, assez laide. Dès lors, ''L'île aux chiens'' devient un film plus susceptible d'être admiré qu'apprécié.