En adaptant un roman de Daphné du Maurier, le réalisateur Roger Michell savait qu’il allait proposer un énième film sur le thème de la « veuve noire », il savait donc qu’il allait devoir être convaincant pour que son intrigue fonctionne, car sur le papier, elle n’est pas d’une folle originalité. Il savait aussi qu’Hitchcock avait par deux fois lui aussi adapté Du Maurier (« Rebecca », « Les Oiseaux »), avec le talent que l’on sait. Du coup, son entreprise devenait quand même assez risquée… Même si on lui concède un rythme assez lent et une narration qui n’arrive pas à trouver le bon tempo (l’intrigue va souvent soit trop vite, comme au début, soit trop lentement, comme à la fin), Michell rend malgré tout une copie convaincante sur la forme, notamment grâce un travail intéressant sur la lumière. Il y a un nombre important de scènes filmées à la bougie et cela donne un rendu intéressant et ajoute au côté clair/obscur de l’intrigue et au côté clair/obscur du personnage de Rachel. Quelques travelling réussis, de jolis paysages, une reconstitution soignée et une musique utilisée avec parcimonie, « My cousin Rachel » est un film techniquement assez conventionnel mais la copie est propre est soignée. C’est surtout Rachel Weisz qui est mise en valeur par le rôle très ambigu qu’elle tient, très bien d’ailleurs. Affable en apparence, polie et délicate, elle cache une volonté d’indépendance et une force de caractère assez peu conventionnelle pour l’époque et qui ajoute au trouble de son personnage. A ses côtés, le jeune Sam Clafin fait un peu « léger », son interprétation sans relief particulier n’aidant pas un rôle au final assez stéréotypé de jeune homme à la fois fougueux et influençable. Son personnage semble un peu mièvre dans l’ensemble, on a l’impression qu’il tombe dans tous les pièges possibles avec une facilité (un peu trop) déconcertante. Les seconds rôles, plutôt bien tenus, le sont essentiellement par ce bon vieux Jonah Momo… pardon…par l’acteur britannique Ian Glenn et la jeune Hollyday Grainger. La dernière fois que je l’ai vu à l’écran, c’était en Lucrèce Borgia dans la série du même nom, elle a ici un rôle plus conventionnel de jeune femme amoureuse et qui aurait mérité un peu plus d’écriture. Le film de Michell a des vraies qualités, on ne s’y ennuis pas, Rachel Weisz joue très bien sa partition, mais le scénario laisse une impression de facilité un peu énervante. J’aurais aimé un peu plus de profondeur psychologique aux personnages, un peu plus de subtilité dans l’intrigue aussi. Je l’ai dit, parfois tout va trop vite. Le jeune Philip attend sa cousine par alliance de pied ferme, avec une vraie hostilité,
et elle le retourne en moins de 50 secondes ! Quelle force de caractère pour un grand gaillard de 25 ans ! A
partir le là, l’intrigue est sans surprise, lui aussi tombe sous le charme de Rachel qui, volontairement ou pas (c’est bien là le centre de l’intrigue), envoie des signes contradictoire. Même quand le scénario veut sous-entendre que Rachel est une empoisonneuse, c’est également fait avec des sabots un peu gros,
en appuyant sur les tisanes aux herbes et en lui faisant répéter « Buvez ».
Toute l’intrigue repose sur une ambiguïté : Rachel a-t-elle empoisonné Ambroise et s’apprête-t-elle à recommencer sur Philip ou bien Ambroise, l’esprit torturé par sa tumeur, a-t-il empoisonné à distance par ses écrits l’esprit de son jeune cousin ? Evidemment, comme on pouvait s’y attendre, le film ne répondra pas de façon limpide à la question, préférant une fin en forme de point d’interrogation un petit peu téléphonée elle aussi. Quand on a une intrigue aussi prometteuse en termes de sous-entendus, de subtilité, de rebondissements, on lui offre un scénario plus pointu, des personnages plus profonds et complexes et des rebondissements plus percutants. Je n’ai rien contre le fait de finir le film sur un point d’interrogation, au contraire
(le coup de la migraine dans la dernière scène est plutôt bien vu),
mais cela ne sauve pas une intrigue un peu trop « prête à porter » là où il aurait fallu verser davantage dans la « haute couture ».