Changement totale de style pour Lanthimos. Le réalisateur nous présente son premier film cent pour cent britannique, sans aucune trace de ses origines helléniques. Son précédent film, Mise à mort du cerf sacré c'était également une production anglaise. Par contre, la tragédie grecque était présente tout au long du récit et elle prévalait sur la science à la fin. Également, The lobster non seulement comptait sur les deux muses du réalisateur: Ariane Labed et Angeliki Papoulia , sinon que le jeu d'acteurs, froid et sans changement de ton, était aussi plus proche du théâtre de l'antiquité que du cinéma.
La Grèce, donc, n'est pas présente dans The favourite. On parle d'un film d'époque, sertes, mais bien truffé d'humour noir. Malgré tout, la référence principale du film, en technique et en récit, ce n'est que le suprême Barry Lyndon. Emma Stone, fille d'une famille aristocrate tombée en disgrâce, arrive au palais royale pour demander un abri à sa cousine, femme de confiance de la reine. Une fois installée, elle essayera de s'approcher de la monarque pour récupérer son prestige. Son ambition rappelle au personnage de Kubrick. Pareil pour Lanthimos qui semble vouloir atteindre les niveaux sublimes de la technique du réalisateur, décédé il y a vingt ans. Il faut signaler que si le style de Lanthimos n'est pas présent dans The favourite, sa mise en scène, par contre, n'a fait qu'évoluer jusqu'à aujourd'hui.
The favourite a été tournée avec des objectifs fisheye. Ils focalisent sur les acteurs au centre du cadre. Au même temps, ces objectifs étirent les bords de l'image pour capter une infinité de détails: en intérieur, le soin des décors; en extérieur, le contraste de la lumière. Des plans fixés, des travellings, des mouvements de caméra sur un point... le résultat est toujours formidable. Par contre, au-delà du côté technique un souci pèse sur The favourite et, injustement, cela n'a rien à voir avec le film en lui-même.
Lanthimos faisait irruption dans le panorama européen il y a dix ans. Comment était-il possible pour un nouvel arrivé d'une industrie si modeste comme la grecque d'attirer l'attention des festivals? Grâce aux pitchs foudroyants qui mélangeaient la satyre avec la dystopie, la comédie avec l'horreur. C'était la naissance d'un jeune auteur qu'aujourd'hui a Hollywood à ses pieds avec son dernier film. Mais tout ce prestige est dû à l'auteur ou, par contre, à l'artisan derrière la caméra?
Est-ce qu'on trouve l'auteur dans The favourite? Si on cherche bien, oui, mais seulement dans deux scènes. La première,
une automutilation avec un livre qui rappelle à la fin de Canine, mais beaucoup moins violente et moins dérangeante
. La deuxième, une danse urbaine en plein bal royal. Une tradition dans la filmographie de Lanthimos, le moment de danse absurde qui coupe le ton du film et qui sert comme soulagement du grotesque. Deux scènes fidèles au style du réalisateur ne font pas un film personnel. Voici comment cette sensation de film de studio, ou pire encore, de film de commande, trouble un résultat impeccable qui pourrait être signé par n'importe quel réalisateur doué. Le cerveau nous dit que The favourite est un film magistral. Le cœur, par contre...
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