Bon, pour ceux qui n'ont pas vu le film, passez votre chemin.
Ce qui m'a attiré de prime abord, c'est le "genre : horreur" annoncé par la com sur la toile couplée au pitch: "Chris est noir. Chris sort avec Blanche-Neige. Ceux-ci partent chez les parents de Blanche-Neige pour un week-end. Rencontre entre Chris et les parents. Il se passe des trucs chelous."
Jusque là, tout va bien, et c'est avec une grande curiosité que je vais voir Get Out affublé de ma plus belle moustache. Je m'assois dans mon siège, la salle est pleine mais j'ai une bonne place, bien centrée: chouette.
L'introduction du film avant l'arrivée chez les parents, est cadrée par la violence (la rafle d'André/Logan- jumpscare du cerf), avec entre les deux, des scènes du quotidien qui introduisent le couple Chris/Blanche-Neige. Je trouve cette première partie très bien faite, elle introduit la question des à-prioris liés à la couleur, les personnages de Rod et le double ton du film. L’ambiguïté quant au statut des personnages n'est pas encore directement perceptible et pourtant déjà présente dans les dialogues. La conversation téléphonique avec Rod lors de la séquence de la voiture introduit de nombreux double sens qu'on ne peut réaliser qu'au second visionnage:
Rod (for fun) : Tu sais que tu as choisi le mauvais gars?
Bl-N : Oui je sais. Tout ça c'est un stratagème pour t'avoir.
Ce petit dialogue sonne différemment quand on sait que Blanche-Neige est chasseuse de noir et que sa technique ,qui diffère de celle de son frère, est de les séduire pour les ramener dans le nid d'aigle. En écho, dans la seconde moitié du film, Rod appelle Chris pour avoir des nouvelles et tombe sur Blanche qui est beaucoup plus directe dans ses intentions. Les masques sont tombés, fini de jouer.
Ainsi, de la conversation avec Rod jusqu'à l'explicitation des intentions de la famille Neige, des signes apparaissent, plus ou moins identifiables quant aux intentions des personnages et leur statut. Je pense notamment au père qui, pendant la visite de la maison avec Chris, lui dit qu'au sous-sol il n'y a que de la "black mold", de la moisissure noire. Ces signes vont progressivement poser un malaise jusqu'à cette nuit ou Chris a du mal à dormir, et va croiser maman Neige qui va lui faire subir une petite hypnose.
Et pour moi, c'est ici que s'arrête la partie la plus intéressante du film. Ce début pose bien les choses, je suis vraiment pas à l'aise avec cette famille de blancs et avec ces domestiques au comportement étrange. Je me demande vraiment comment les choses vont tourner. Tout cela fonctionne quand soudain tout commence à être expliqué. Le film a vraiment un soucis avec sa propre justification. Qu'il s'agisse de l'hypnose, et de la représentation de cette zone de l'oubli, à l'explication de la bonne quant au téléphone de Chris cela m'éloigne toujours plus du sentiment de malaise, de doute qui m'habitait.
Et la boîte des exs. Chris guette ce placard, et que découvre t'il? La boîte de la justification. La boîte qui explique au spectateur le fonctionnement de l'entreprise de la famille Neige. Jusque là, on pouvait se poser des questions, imaginer des choses, jouer avec les possibilités, puis non. Le film cherche à tout résoudre à travers une explication qui vide le film de sa contingence.
Dans Scream, un des meurtriers dit que :
-"Did we ever find out why Hannibal Lecter like to eat people? DON'T THINK SO! See, it's a lot more scarier when there's no motive, Sid."
Oui, c'est plus effrayant quand on ne connait pas le motif des tueurs, quand on ne sait pas qui ils sont, moins on n'en sait, moins on sait à quoi s'attendre, plus la tension est présente, plus le film est terrifiant.
Get Out partage un motif avec Scream, le nerd qui parle de cinéma. Rod est du coté de la comédie (genre avec lequel Jordan Peele est particulièrement familier). Il prédit ce qui va arriver avec plus ou moins de précision (théorie des sex slaves aha). J'ai bien apprécié ses interventions (notamment celle du commissariat). Seulement, je trouve que cela déséquilibre complètement le film, nuit à la tension générale, change le climat sans que rien ne contrebalance. À partir de la scène de la boîte des exs pendant laquelle Chris se fait attraper puis mettre au sous-sol, la seule peur ressentie est une peur technique, celle de quelques jumpscares mineurs.
Je me pose la question du genre du film, et de ses intentions. Les différentes bande-annonces vendent clairement un film d'horreur, ou un thriller. Elles poussent même le vice jusqu'à montrer un effrayant squelette de cerf hurlant sur Chris qu'on ne verra pas dans le film.
D'un autre coté dans un entretien sur la chaîne youtube ScreenJunkies, Jordan Peele définit son film comme un "social thriller" et envoie cette salve :
-"I like the idea that the worst monster that you can explore in a horror movie is the human beings themselves".
J'aime aussi cette idée. Et je trouve que le film réussit bien le pari que représente un potentiel social thriller dans sa première partie. Par contre, je trouve les personnages blancs beaucoup trop caricaturaux dans leur attitudes (Blanche-Neige boit du lait et s'habille en blanc) pour qu'ils soient véritablement monstrueux. Leur négrophilie ultra basique, la transparence de l'entreprise, sape le travail mis en place dans la première partie. Une fois le masque tombé, plus rien ne surprend. Là ou des films comme Funny Games ou Scream réussissent à renouveler la tension à travers des situations, des procédés narratifs créatifs, Get Out reste sans surprise, sans bonnes idées quant à la continuité de son scénario. La fuite de Chris est peuplée de quelques jumpscare mineurs jusqu'à la fin, ou Rod débarque de façon inattendue pour finir avec un "I told you so" qui fait rire la salle. Je trouve que toute cette échappée est extrêmement plate, sans surprise jusqu'au twist final. Les genres comique et thriller fonctionnent de façon hermétique mais ôtent au film tout le potentiel de gravité et de malaise qui pourrait l'habiter, et qui seraient selon moi nécessaires pour développer une réflexion qui dépasse le degré 0.
Pour résumer, le film pose des motifs intéressants pour ensuite se ranger dans la politesse du divertissement. Il n'arrive jamais à renouveler la terreur sinon par pics avec des effets de surprise qui sont, je trouve, un véritable aveu de faiblesse. Je trouve la fin intéressante et réussie dans le sens d'une comédie. Malgré cela je pense vraiment que le film ne va pas assez loin dans sa seconde partie et manque d'originalité dans son développement. À défaut de terroriser et d'être réflexif, le film est accessible et divertissant. Il trompe selon moi son ambition première (à la vue de la première fin proposée par Jordan Steele aka la "alternate ending") en oubliant de mettre le spectateur dans un inconfort qui dépasse quelques scènes, et par extension, la salle de cinéma.