Les productions Blumhouse ont beau être conçues pour ramener un maximum de blé au départ d’un minimum d’investissements, il arrive qu’elles tapent particulièrement juste et ce ‘Get out’ restera sans doute dans les mémoires comme un instantané brillant de la question raciale dans l’Amérique de 2017, juste avant l’élection de Donald Trump qui libéra une parole raciste qui couvait depuis longtemps. Sa force principale est de se construire sur un scénario limpide, qui aurait pu tout autant déboucher sur un drame que sur une comédie, mais privilégie la voie du film de genre pour faire passer le message : Chris est noir, sa petite amie est blanche et le temps est venu de rencontrer les parents de cette dernière. Mais tout devrait bien se passer, selon elle : ce sont de grands bourgeois de province, ouverts et progressistes, “qui auraient voté Obama une troisième fois s’ils avaient pu�. Pourtant, à peine arrivé, Chris sent que quelque chose ne tourne pas rond, sans qu’il puisse précisément mettre le doigt dessus, et le spectateur partage très vite cette impression déplaisante. Est-ce le comportement trop familier du père de famille ? L’autoritarisme voilé de la mère ? Ou ces domestiques noirs compassés aux mimiques artificielles, qui détonnent dans ce cadre prétendument post-racial ? A l’instar d’autres excellents Thrillers comme ‘The invitation’ ou ‘The visit’, ‘Get out’ refuse d’abattre ses cartes trop rapidement et préfère au contraire entretenir le malaise qui apparaît dès le premier quart d’heure de film. Bien entendu, le spectateur, lui, se doute qu’il va se passer quelque chose (sinon on n’en aurait pas fait un film..!)...mais du point de vue du scénario, il semble possible, jusqu’à un stade très avancé du film, de mettre ce malaise sur le compte d’un choc des cultures entre la modernité urbaine et le traditionalisme rural, d’excentricités mal comprises ou de la paranoïa du personnage principal : la scène d’introduction se charge d’ailleurs de démontrer que le Noir qui marche seul dans une rue bourgeoise - donc blanche - se sent aussi menacé que le Blanc qui marche seul dans le ghetto. Jordan Peele, de son passé de comédien de stand-up, sait distiller un certain humour acide, en dévoilant comme son personnage, qui fait de son mieux pour s’acclimater à un contexte dont il ne maîtrise pas les codes, se voit toujours renvoyé à sa condition sociale, culturelle, voire même biologique et génétique, de “Noir�, par des convives qui ne semblent a priori pas mal intentionnés à son égard. Il parvient également à éviter certains pièges, comme le fait de caractériser de manière trop évidente la victime (Chris est ici un photographe prometteur et aisé) afin d’éviter toute lecture sociale ou économique des relations entre les races. Bien entendu, une fois que la vérité se fait jour, on ne peut pas s’empêcher d’être un peu déçu par le constat que le film retombe dans des réflexes plus prévisibles : au fond, c’est le cas de tous les Thrillers qui réalisent un sans-faute dans la mise en place de leurs éléments de départ mais même à ce niveau, ‘Get out’ fait plutôt mieux que la quasi totalité de l’offre contemporaine. On pourra seulement regretter qu’à un moment donné, le regard de Jordan Peele perde de son acuité et se concentre sur le spectacle survivaliste, en ravalant le thème fondateur de son film au rang de simple détail. Rien qui empêche pourtant ‘Get out’ de s’imposer comme un des Thrillers les plus efficaces et “intelligents� de 2017