Deux premiers tiers brillants, mais abimés par un troisième plus en adéquation avec les codes du cinéma d'horreur. Jordan Peele parvient à partager le regard d'une personne racisée face à un monde hostile envers sa communauté. C'est à travers le trouble de Chris qu'on demeure mal à l'aise, paralysés devant un piège qui se referme lentement.
Fort de constater le racisme systémique que peuvent subir les communautés afro-américaines, en l’occurrence, Peele explore le sujet en l'adossant à un autre clivage sociétal : celui entre bourgeoisie et classes dominées. Cette double opposition donne lieu à des relations inquiétantes. Les individus dominés se retrouvent dépris de leur motricité, prisonniers d'un corps manipulés par une caste possédante. Propriétaire du capital, la grande bourgeoisie s'arroge le droit à l'emploi, et, ipso facto, garde la mainmise sur ses demandeurs.
Jouissant de ces privilèges iniques, elle trouve, dans Get Out, un moyen de s'approprier le corps de son prochain, accédant, de ce fait, à un privilège inhéritable : le rajeunissement biologique. Entendons par là : une santé pérenne, l'immortalité de la conscience.
Chris, dans ce guet-apens, est conscient que quelque chose cloche ; mais prisonnier, non de son propre corps, mais d'une demeure forestière, il cherche un moyen de rationaliser, de se rassurer ; comportement qui fait le jeu de ses persécuteurs. Jusqu'au moment où il est pris dans leur toile.
C'est justement sur le dénouement, trop académique, que Peele aurait pu surprendre davantage.
Mais il n'ose pas la bad ending, et manque, par conséquent, un conclusion stupéfiante. Plutôt que d'explorer l'immoralité, en concluant son film sur la venue d'un policier quelconque – pas de l'ami – qui incrimine Chris, des suites de ses préjugés raciaux, lorsque Rose se fait passer pour la victime – quoiqu'elle en soit vraiment une à ce moment-là, tout en étant persécutrice –, Peele le sauve d'une ultime injustice systémique, pourtant courante dans ce genre de situations
.
Malgré cela, le film parvient à maintenir un sentiment d'anxiété sur la durée, notamment grâce à l'interprétation saisissante de Kaluuya.