Parmi tous les remakes, reboots, relectures, révisions et ré-interprétations diverses qui comptent pour une bonne moitié du cinéma à grand spectacle de ces dernières années , Mary Poppins reste un cas à part. Quand j’y réfléchis, Contrairement à 95% des spectateurs, la version 1964 de Mary Poppins, je ne l’ai probablement pas vue (ou alors il y a longtemps. Ou bien j’ai oublié. Ou elle sentait pas bon) : pas de madeleine de Proust enfantine, pas de souvenirs de dimanches d’hiver passés bien au chaud devant la télévision pas de VHS usée à force d’avoir été regardée en boucle. Cette lacune m’évite au moins deux tracas : premièrement, succomber à la nostalgie exactement de la façon dont les studios Disney espèrent que j’y succomberai, et refuser de considérer les faiblesses de la nouvelle version. Deuxièmement, prendre la tangente inverse, pester contre le saccage de mes souvenirs d’enfance pour de basses raisons financières, hurler contre ceux qui n’ont pas tourné exactement le film que j’avais en tête depuis longtemps sans jamais en avoir parlé à personne et refuser de considérer les qualités de la nouvelle version.. De toute façon, Mary Poppins fait partie de ces oeuvres dont les scènes saillantes sont à ce point entrées dans l’inconscient collectif, à l’instar de celles de ‘Star Wars’ ou de ‘Jurassic park’, qu’on ne peut que les connaître sans même les avoir vues. Du coup, je regarde ce ‘Retour de Mary Poppins’, comme la suite ou le remake d’un film que je connais tout de même un peu sans pourtant l’avoir jamais vu, demandant des confirmations continuelles à l’exégète poppinsienne avec qui je vis, ce qui me conforte dans l’idée que je regarde à peu près le même film en plus neuf et qu’il s’agit de la même histoire à une génération d’intervalle J’en veux pour preuve de multiples éléments, qui dépassent le stade du simple clin d’oeil, comme le numéro des ramoneurs, remplacé par un numéro d’allumeurs de réverbère, ou le “supercalifragilisticexpialidocious” qui mute en “luminomagifantastique”. A part ça, Emily Blunt, à la fois pincée et maternelle, me semble soutenir la comparaison avec Julie Andrews, sans pour autant chercher à l’imiter. Les chansons ne me sont pas vraiment restées en tête mais s’inscrivent parfaitement, à l’instar de l’ancienne version, dans la veine des comédies musicales de l’âge d’or (parce qu’en ce qui concerne une version de Mary Poppins jouée et chantée par Zendaya ou Taylor Swift, je suis certain que l’idée a au moins traversé le crâne des pontes de chez Disney). De même, les numéros musicaux manquent un peu d’envergure mais rien de grave. Etant donné que Mary Poppins était techniquement à l’avant-garde dans les années 60, notamment par son mélange de scènes filmées et de personnages animés, il fallait également assurer à ce niveau, même s’il est aujourd’hui devenu beaucoup plus difficile, pour ne pas dire impossible, de se démarquer au niveau de la technique. C’est donc la carte de l’originalité qui a été jouée avec des fortunes diverses : la séquence sous la mer, aussi flashy soit-elle, s’avére plutôt amusante ; le passage dans la maison sens dessus dessous est plus anecdotique et Meryl Streep devrait arrêter de prendre du speed dès qu’elle décroche un rôle dans une comédie musicale. Je confesse toutefois une petite faiblesse coupable pour le passage qui se déroule dans la coupe incurvée, qui recycle la bonne vieille tradition de la symbiose Animation/Prise de vue réelle. Mais mais mais, par la sainte-tronçonneuse de Ash Williams, serais-je en train de parler de “préférence” à propos d’un truc Mary Poppins ? Ca va, ça va, je me couche. Contrairement à ce que j’imaginais, ‘Le retour de Mary Poppins’ ne m’a pas déplu : c’est une oeuvre légère, fantaisiste, colorée, finement travaillée, dont la bande sonore ne fait preuve d’aucune modernité déplacée et qui renoue de manière presque dérangeante - mais on devait s’y attendre, ça fait partie du trip - avec cette bienveillance dégoulinante de bons sentiments qui caractérisait les productions Disney en prises de vue réelles des temps anciens. Du coup, j’en arrive à me demander si la petite morale qui survient à la toute fin du film s’est retrouvée là de façon purement ingénue ou si il s’agit d’une une manière de contrebalancer discrètement l’excès de glucose du film.. En gros, elle indique par la voix de Dick van Dyke, revenu faire un dernier tour de piste, que l’amour, la famille, les souvenirs, c’est vraiment supercalifirmachin...mais faudrait quand même voir à ne pas oublier de faire des placements : c’est pas cher et ça peut rapporter gros !