Creepy est un thriller qui se construit petit à petit. Voici la raison qui justifie sa longue durée. Dans une introduction reposée on fait connaissance du protagoniste, ancien détective, démissionnaire après avoir reçu un coup de feu, maintenant prof de criminologie à la fac. Lui et sa femme déménagent en quartier de périphérie idyllique, où ils essayeront de se présenter comme un couple accueillant qui offre des bombons aux voisins avec le meilleur de leur sourires. Cependant, dans un cadre si rassurant comme aseptisé, un certain habitant montrera à la famille les fissures cachées d'une image parfaite, leur faisant connaitre le vrai mal.
Kurosawa retourne à son domaine, où il se sent comme poisson dans l'eau. Grand connaisseur du genre, il permet la trame d'arriver en douceur, surtout parce-que dans Creepy ce n'est pas le méchant qui vient perturber la tranquillité des protagonistes. Au contraire, ici ce sont les futures victimes qui viennent s'immiscer dans le territoire de l'antagoniste. Une proposition plus habituelle dans le genre d'aventures infantiles, dans le style de Vampire, vous avez-dit vampire? que dans le thriller. Il suffit une attitude forcée et une question inopportune pour que le méchant se sent menacé, puis il attaque.
Après que l'antagoniste entre en scène, le film brise son structure, qui se reconstruit à fur et à mesure.
De la même façon que le mystérieux voisin fait avec le tissu social: il provoque une feinte de façon violente, il détruit tout reste du noyau familial, il adapte à son gré la volonté des gens les plus vulnérables, puis il renouvelle les composants quand il faut. Dans le style du raté Arlington road, sauf qu'ici le méchant n'est pas un être implacable, sinon un homme banal et pathétique qui passe inaperçu. Un ermite lambda qui réussit à détruire la structure sociale mais aussi la géométrie architectonique des quartiers périphériques du Japon d'après-guerre, identiques les uns aux autres.
Creepy ne révolutionnera pas le cinéma, mais il sert comme confirmation du talent de Kurosawa, grand artisan du métier capable de signer des créations uniques. Il élude et modifie la narration à son plaisir, puis il laisse toujours la place aux clins d’œil de son passé j-horror. Surtout en ce qui concerne une certaine machine au fond du couloir.
hommecinema.blogspot.fr