Après la montée en puissance rapide et la décadence tout aussi rapide de ses productions fantastiques, peut-être le cinéma espagnol, celui qui rêve de toucher le public international, trouvera-t-il son salut dans le polar ? Crépusculaire en diable, ‘La isla minima’, plongée dans les eaux troubles du post-franquisme, avait établi qu’il y avait peut-être bien quelque chose à creuser de ce côté et ce nouveau spécimen, signé Rodrigo Sorogoyen, confirme que si la Spanish touch ne réinvente rien à proprement parler, elle applique des recettes mi-nordiques mi-asiatiques (plus spécifiquement coréennes), sans épate, sans que les inspecteurs sortent les flingues et cavalent à la poursuite d’un quelconque suspect à la moindre occasion, qui ont déjà revivifié les quelques polars hollywoodiens qui y ont adhéré Cette synthèse futée offre une enquête où le contexte géographique, social et culturel, a toute son importance : la sempiternelle agitation madrilène devient d’autant plus anxiogène que le climat est caniculaire et qu’une prochaine visite pontificale surchauffe les esprits déjà marqués par la crise et les manifestations (on est en 2011). De même, les inspecteurs chargés d’enquêter sur la mort de vieilles dames isolées et bigotes, violées avant d’être sauvagement assassinées, ne sont pas sans reproche : l’un est un type brutal et machiste, de la vieille école, qui se révèlera incapable de faire face à une remise en cause de son statut de mâle alpha ; l’autre, cérébral et bègue, a de médiocres compétences sociales et une relation malaisée avec l’autre sexe. Dans d’autres circonstances, ils auraient pu être à la place du tueur qu’ils poursuivent, ils le pressentent inconsciemment : s’ils n’ont pas eu les mêmes spécificités familiales, ils ont tous forgé leur personnalité dans le climat patriarcal et religieux de la vieille Espagne. S’il n’est pas exempt de faiblesses, de quelques longueurs et de personnages imparfaitement écrits, ‘Que dios nos perdone’ est un signal encourageant de la part d’une industrie cinématographique espagnole qui a connu des jours meilleurs. Si vous en avez assez des polars américains qui ne servent que de cache-misère à un film d’action, ou des polars Français qui s’obstinent à singer les Belmondo, vous savez où prendre vos vacances...