La particularité du cinéma espagnol, c'est que le genre n'est pas traité avec dédain, il s'agit d'un moyen comme un autre de raconter une (bonne) histoire. Sorogoyen va donc procéder à une autopsie de l'Homme et le polar est un support idéal pour ça. Bon, autant le dire tout de suite, le contexte de la venue du Pape Benoît XVI à Madrid n'est qu'un décorum servant à donner parfois un peu plus de tension au film mais il ne sera jamais vraiment exploité à fond, si ce n'est au cours d'une scène de poursuite palpitante et tétanisante. Pour le reste, on est face à un polar au scénario un peu balisé, entends par là qu'il respecte les codes du genre, mais la narration est efficace, toujours prenante malgré les plus de 2 heures de film, et surtout, c'est bien fait. A contrario des autres cinémas, l'Espagne n'a pas son pareil pour nous offrir une galerie de gueules, ne succombant pas trop au jeunisme ambiant, qui nous refile quantité de minets et de minettes censés jouer des rôles torturés ou profonds. Si Luis Tosar et José Coronado ne sont pas là, on a par contre le sosie de Dustin Hoffman, Antonio de la Torre (c'était lui l'homme patient en colère), et surtout ce bloc de charisme Roberto Alamo, véritable bombe du film qui le porte sur ses robustes épaules. La traque de ce serial killer mettra donc nos deux héros à rude épreuve, révélant les différences qui les divisent, tout en nous faisant partager leur quotidien forcément compliqué. L'enquête est prenante de bout en bout, nous entraînant sur les traces d'un monstre à visage humain, qui commettra des crimes de plus en plus violents. Certaines séquences sont de très haut niveau, avec une mise en scène au cordeau (malgré un plan séquence certes impressionnant mais qui pompe un morceau de bravoure similaire du formidable «Dans ses yeux»), qui nous fait coller aux visages des héros, épousant leurs défauts, leurs doutes, leurs différences. Le tout est soutenu par la musique d'Olivier Arson, qui pourra énerver quelques spectateurs mais qui donnent du relief et de l'intensité à plusieurs scènes. Un polar noir, nihiliste parfois, qui brosse le portrait contrasté d'hommes imparfaits, censés incarnés la Justice, mais qui sont parfois trop préoccupés à gérer leurs propres démons intérieurs pour traquer ceux de l'extérieur. Un film implacable, pas toujours novateur certes, mais fait avec application et sérieux. A découvrir donc. D'autres critiques sur thisismymovies.over-blog.com