Impressionnante incursion de Nolan dans le film de guerre, "Dunkerque" est un film puissant, doté d'une reconstitution historique imposante (plus de 6'000 figurants!) et d'une ambition considérable: raconter cet épisode historique pas si connu, du point de vue des modestes héros qui l'ont vécu, sur la terre, sur la mer et dans les airs! La narration est sans doute un peu trop éclatée (trois temporalités et linéarité cassée) et Nolan plus habile dans le spectaculaire que dans l'intime, recherchant l'immersion davantage que l'humain dans son point de vue à hauteur d'homme . En effet, les personnages n'existent pas vraiment, on ne saura rien d'eux, ils sont déjà des fantômes de la mémoire collective (on ne reconnaitra d'ailleurs pas Tom Hardy!) ou des archétypes à usage illustratif, tous sacrifiés sur l'autel d'un objectif bien précis: le grand spectacle expérimental d'un réalisateur mégalo, pape de l'innovation du langage cinématographique actuel, à l'image d'un James Cameron. Mais à l'heure du bilan, on imagine bien Christopher Nolan en salle de montage, la tête entre les mains, obligé de faire joujou avec la temporalité, pour éviter de se confronter à la réalité: jamais son "Dunkerque" ne frôle le génie de Spielberg lorsque ce-dernier filme le débarquement, jamais son "Dunkerque" ne côtoie les hauteurs métaphysiques de Malick ("La Ligne Rouge"), la folie culte d'un Kubrick, le mystique d'un Coppola, le tragique d'un Cimino, ni même l'opératique putassier d'un Oliver Stone. Alors c'est pas grave, Nolan a le mérite indéniable de ne pas copier, de toujours chercher à innover, de systématiquement proposer un spectacle enivrant, ne jamais livrer un mauvais film. Au moment du générique, toutefois, difficile de ne pas avoir le sentiment que le résultat est toujours inférieur à l'ambition démesurée de son réalisateur...