CRITIQUE : Francois Ozon adapte librement une pièce des années 30, déjà revisitée cinématographiquement en 1932, par le génie de Lubitsh ("Broken Lullaby"). Choisi avant tout pour des raisons budgétaires, le film est filmé en noir et blanc, mais propose ses séquences en couleur, afin de colorier les instants de bonheur volés des personnages ou mettre à nu le secret.
Rarement vu dans le cinéma français, le réalisateur adopte le point de vue allemand, dans ce film qui se déroule juste après la guerre de 14-18.
C'est ainsi que nous suivons l'épopée d'Anna, incarnée par la révélation Paula Beer (aux faux airs de Romy Schneider). De son petit village allemand, à Paris, en passant par la campagne française, nous suivons l'itinéraire désabusé de cette fiancée endeuillée, dont un inconnu bouleversera à jamais sa vie, de bien des manières.
Le film, à la photographie exceptionnelle, tout comme son cadrage et sa mise en scène ne cesse de dérouter le spectateur. Pris sans cesse dans le mensonge (libérateur pour les personnages) et les sentiments étriqués de ces amoureux transis, il se fait balloter doucement mais sûrement par un vent romanesque qui, plus le film avance, plus souffle fort.
En effet, c'est finalement lorsque le mystère est percé sur "le bel inconnu", que la deuxième partie du film commence et que le vent nous emportera. L'intrigue identitaire devient amoureuse et le drame change d'habit.
Hanté par la poésie de Verlaine, la peinture de Manet et la musique de Stefan Rodesco ("Nocturne n.20"), "Frantz" évoque au delà du désir de rédemption, afin de pouvoir continuer à vivre, cette nécessité de vivre pleinement, pour ceux qui ne sont plus là. Les 5 dernières minutes du film vous achèveront; optimiste, désarmant, surtout indispensable...