François Ozon est quelqu'un d'exaspérant. Il peut faire des films antipathiques, provocateurs, ou d'une laideur arrogante pour montrer au bon peuple qui va les apprécier combien il le méprise (l'abominable 8 femmes, Potiche!!), et puis, de temps en temps, on entend une voix, une vraie voix, pure, grave, d'une émotion ravageuse comme dans Sous le sable par exemple. Alors, qui est le vrai Ozon? Ou est il?
En tous cas, Frantz est une merveille de délicatesse, de justesse, de gravité. Mélo comme on n'en fait plus, sous le signe de la guerre, la pire des guerres modernes, cette guerre de 14 où la jeunesse allemande et française poussée par les bellicistes, les capitalistes, les nationalistes, les marchands d'armes allait perdre la vie par millions, dans la boue de tranchées où souvent, les ennemis qui auraient pu être les meilleurs potes et crapahuter ensemble dans les Alpes n'étaient séparés que par quelques dizaines de mètres.... et la haine après, persistante, entre les deux peuples, sales français, sales boches, qui les préparait vingt ans plus tard à jouer la rebelote (en espérant que cela sera aussi le dix de der). Et rien que pour nous avoir rappelé ça, on peut remercier Ozon.
Anna (merveilleuse Paula Beer) a perdu son fiancé Frantz (Anton von Lucke) dans ces tranchées. Elle n'a pas de famille, vit chez les parents de Frantz -le père, Hans (Ernst Stötzner, excellent), est médecin- qui l'aiment comme leur fille. Et un jour, dans le cimetière de cette petite ville, un Français vient fleurir la tombe de Frantz, cette tombe qui n'abrite rien puisque le corps du garçon n'a pu être identifié et rapatrié. Qui est ce? Sale Français, crie toute la petite ville indignée. Hans tout d'abord refuse de le recevoir; et puis, il s'avère que cet Adrien (Pierre Niney dans ce qui est certainement son plus beau rôle!) était le meilleur ami de Frantz, quand ils étaient tous les deux étudiants à Paris, Frantz violoniste amateur, Adrien violoniste professionnel; ensemble ils allaient au Louvre voir les Monet, ensemble ils allaient au bal aussi, et Adrien conseillait Frantz sur la tenue de son archet...
Alors, pour ces parents désespérés, l'intrusion d'Adrien dans leur vie c'est un peu comme si Frantz revivait... La petite ville est vent debout. Magnifique morceau de bravoure quand Hans rappelle à ses anciens camarades de taverne que ce sont eux, les pères, qui ont poussé à la guerre, eux qui ont acheté les armes, eux qui ont envoyé leurs enfants sur le front....
Mais le film, c'est aussi une histoire de mensonge. De mensonge qui fait du mal. Ou du bien. Au point d'être encouragé par le confesseur.... Parce que la vie n'est pas si simple. Cette vie qui est faite pour continuer, malgré tout.
Passant d'un beau noir et blanc à des plages de couleur, très douce, ce film nous bouleverse. C'est une merveille. Il faut le voir.