Roya est une actrice reconnue à Dacca. Depuis douze ans, elle joue au théâtre Nandini, l'héroïne de la pièce "Les Lauriers-roses rouges" du grand dramaturge bengali Rabindranath Tagore. Son mari, un riche homme d'affaires, la presse d'interrompre sa carrière pour avoir un enfant. Mais Roya veut approfondir son art et faire de Nandini une héroïne plus moderne, à mille lieux du classicisme engoncé dans lequel son metteur en scène l'oblige à jouer. Elle va s'inspirer de l'expérience de sa bonne, Moyna, qui après être tombée enceinte et avoir quitté le service de Roya, travaille dans des conditions misérables dans l'industrie textile.
Le cinéma du sous-continent indien - ou plutôt l'infime partie de ce qui s'y produit et qui s'exporte en Occident - semble s'être fait du féminisme une spécialité : "La Saison des femmes", "Déesses indiennes en colère" pour ne citer que deux films sortis ces dernières années.
"Les Lauriers-roses rouges" est un film réalisé par une femme, joué par des femmes, ciblant un public féminin. Sur la (petite) vingtaine de spectateurs venus le voir dans l'une des deux (petites) salles parisiennes qui le diffusent, j'étais le seul homme. Cela ne m'a pas empêché d'être sensible aux états d'âmes de Roya, que la caméra de Rubaiyat Hossain ne cherche pas à sublimer : elle est tour à tour d'une beauté fascinante quand elle monte sur scène et très banale, presque bouffie, quand elle retire son maquillage.
"Les Lauriers-roses rouges" ne nous vient pas d'Inde, mais du Bangladesh. C'est une rareté, les films bangladais diffusés en France se comptant sur les doigts d'une main. Il présente, pour le spectateur français, une dimension nettement documentaire que la réalisatrice ne renie pas. Elle nous fait ressentir la touffeur de Dacca, l'encombrement de sa circulation. En faisant expressément référence à la catastrophe du Rana Plaza - l'effondrement d'un immeuble qui abritait des usines textiles provoquant la mort de plus d'un millier d'employés - elle entend rattacher son pamphlet féministe à l'actualité la plus brûlante.
"Les Lauriers-roses rouges" n'a ni la frivolité ni les interludes musicaux de ses cousins de Bollywood. Son affiche, le regard grave de son héroïne entre deux âges, le slogan trop sentencieux qui l'orne annoncent la couleur : on n'est pas là pour rigoler.